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10 mai 2015

1880 et des facettes de vie

Vous connaissez sans doute le 1880 dans les réseaux sociaux par les cuites que prennent les membres d'une équipe de jeunes, dite « la bande à Jo », essentiellement le vendredi soir pendant qu'un gros frisé joue au comptoir avec son iPhone, les regardant d'un œil bonhomme presque affectif, en se rappelant ses propres jeunes années quand il n'était pas encore le dernier survivant de sa propre bande.

Souvent, il y a un tas d'autres types, encore plus jeunes mais, le 8 mai, ils étaient probablement en train de célébrer la fin de la guerre. Seul le gros frisé et la bande à Jo était là à laquelle il manquait un individu coincé en région parisienne et un autre en Touraine, le fou, aux mains des sauvages locaux (il a même été une fois de ma part à l'Epée Royale, même le serveur se rappelait de moi alors que je n'y avais passé que deux soirées, deux avant avant).

Seul le gros frisé n'était pas ostensiblement bourré, les autres chantaient, dansaient et tapaient sur le gros frisé avec sa dégaine de punching ball. A un moment, l'un deux dix : « hé ! Jégoun ! Tu vas faire un selfie – hips – et nous mettre sur Twitter ». J'ai fait le selfie et l'ai mis sur Facebook (Twitter est vide la nuit).

A la fermeture, le patron a essayé de virer tout le monde. Il faut s'y prendre un quart d'heure à l'avance. Un lascar a déclaré : « hips, je passe payé demain dès l'ouverture, ah non, dix minutes après, ça m'évitera d'aider ta mère à sortir la terrasse ». Ils sont tous partis, progressivement, renversant leurs boissons en cours dans des gobelets en plastiques.

Tout était plus ou moins calme. Il restait deux ou trois ivrognes. Clem dit au gros frisé : « Heu, hips, faut que j'aille prendre une cuite dans ton bistro, la Comète, à Paris, on rigole bien avec les conneries que tu mets dans Facebook. » « Ben heu, c'est un bistro comme un autre mais il ferme tôt, mais si tu veux lire mes conneries va voir mon blog. » « J'ai pas l'adresse ».T'inquiète pas. « Et puis, ça fait loin pour prendre une cuite. » « Mais non, Quentin, le frère à Florent habite là-bas, tu connais Florent ? » « Oui, je connais Florent, je connais Quentin, je vous connaît tous. »

D'ailleurs, Florent est arrivé après : « heu, hips aussi, Nicolas, ça fait longtemps qu'on se connaît mais on n'a jamais trop discuté. » « bah non ».

Alors le gros frisé a payé est parti. Le reste de la bande était égaillé. Certains vidaient leurs gobelets. Les gendarmes sont passés devant en camionnettes. Le visage du conducteur était visible. Il a jeté un œil, souri, l'air de penser « tout va bien, le calme règne, le bistro ferme à l'heure ». Ils ont poursuivi leur chemin et le gros frisé est rentré. Il restait 2% de batterie à son iPhone.

Le samedi soir, le gros frisé est moins souvent seul au comptoir. Il est avec un autre gros plus saoul que lui car il a commencé plus tôt, très bavard, et un autre, moins gros, et sourd, ce qui expliquent probablement qu'ils se supportent. Parfois, les survivants de la bande à Jo sont là. Et il y a Moy au comptoir qui commence la soirée en essayant d'emballer des blondes et finit par parler politique avec des inconnus. Il y a Jean-Marie aussi, presque systématiquement, et souvent quelques gugusses, certains encore plus vieux que le gros frisés.

Samedi 9 mai, c'était assez calme. Moy avait trouvé des anglais et le gros frisé avait un peu plus soif qu'en moyenne. La chaleur probablement.

Le dimanche matin, c'est différent. Le gros frisé est arrivé, ce matin. Il a pris une photo du parking. Il y a toujours la voiture de Moy, à se demander s'il la bouge, parfois. Ce matin, il y avait une mobylette à côté, occupant une place de voiture. Probablement un type qui avait perdu son permis après avoir « soufflé dedans » mais qui estime qu'il a toujours droit à une place de parking.

Le bistro aura récupéré sa vocation première : le PMU. Des gens font la queue pour dépenser leur argent. Ils se regroupent autour des journaux, échanger des pronostics, comme si c'était le truc le plus important du monde. Le gros frisé se met au comptoir et prend un café. Il plonge dans son iPhone mais n'a pas la tête à ça. Il regarde autour de lui et a une réflexion étrange : il fuit les PMU, le dimanche matin, en région Parisienne, pour les mêmes raisons qu'il y va le dimanche matin, à Loudéac. Va comprendre.

Le dimanche soir, c'est autre chose.

Les survivants du week-end passent, les jeunes, les joueurs,... Certains ont assisté aux courses organisées dans la commune plusieurs fois par an, d'autres à d'autres événements, notamment des matchs de foot de l'équipe locale.

Ils ont passé plus de temps à la buvette qu'à regarder ce qu'il y avait à regarder, généralement.

Alors le gros frisé s'amuse. Il se dit qu'il les connaissait déjà quand les loustics de la bande à Jo n'étaient pas encore nés.


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