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03 août 2025

Le vent les a emportés beaucoup trop loin (nouvelle suite)

 


Mes deux derniers billets étaient consacrés à la série documentaire au sujet de ou des affaires Cantat. On dirait que je suis rattrapé par l’actualité car il y a des informations en une de Google News sur la réouverture d’un dossier par la justice suite, justement, à ce reportage. Il concerne le suicide de la mère de ses enfants, en 2010, prétendu suite aux violences commises par le chanteur. « ce qui pousse les parents de Krisztina Rady à s’opposer à la réouverture du dossier. »

Je vais commencer ce billet par mes précautions habituelles : mes propos concernent uniquement la série. Cantat a commis un crime affreux. Il a été condamné, sans doute pas assez lourdement, et a purgé sa peine même s’il a bénéficié d’une libération conditionnelle au bout de quatre ans.

Ensuite, je vais résumer mes propos : les deux premiers épisodes sont trop à charge contre Cantat, non pas en tant que criminel mais en tant qu’accusé, comme si les réalisateurs avaient ôté au chanteur le droit de se défendre. Le dernier épisode laisse un sentiment étrange. Il est reproché à Krisztina Rady, la mère de ses enfants, d’avoir sous-estimé sa violence devant les juges afin d’alléger sa peine pour épargner les enfants puis de l’avoir hébergé à sa sortie de prison puis de s’être suicidé à cause de sa violence.

 

L’article que j’ai mis en lien semble montrer que la violence n’est pas du tout la seule cause du suicide ce qui va un peu dans le sens de ce que je disais : la série est trop à charge.

Cette réflexion m’a pensé qu’un aspect important a été complètement occulté : qu’est-ce qui a pu pousser un type à taper assez fort et longtemps sur une femme allant jusqu’à provoquer la mort de cette dernière ? On imagine une espèce de crise de folie… Encore une fois, il ne s’agit pas de trouver « une excuse » (la drogue, la crise en question…) ce qui ne diminuerait pas la gravité des actes mais de bien comprendre ce qui s’est passé. Deux jours après, j’ai dans la tête le fait que le ton soit monté, que la frêle femme aurait poussé le colosse ce qui aurait déclenché sa colère voire la crise…

Au fond, on s’en fout un peu : de toute manière, on n’a que ce que pourrait nous dire Cantat sans savoir si c’est la vérité… Il y a simplement un trou dans la série.

 

Revenons sur quelques parties de l’article. « Les parents de l’épouse du chanteur de Noir Désir s’opposent à la réouverture de l’enquête pour violences volontaires sur conjoint. » On ne peut que les comprendre (voir les éléments cités dans l’article). 15 après les faits, ils n’en peuvent plus d’autant qu’ils savent très bien qu’une procédure ne pourrait aboutir et qu’une condamnation hypothétique d’un lascar qui n’est pas entièrement coupable ne rendrait pas la vie de leur fille.

Ils pensent sans doute aussi aux enfants. Le plus jeune doit avoir une vingtaine d’années maintenant. Je ne suis pas sûr qu’être à nouveau sous les feux de l’actualité leur fasse bien plaisir, surtout quand ils vont devoir parler de tout cela avec leurs potes qui, même si j’ai quarante ans de plus, ont probablement fredonné les tubes de Noir Désir au cours de soirées un tantinet arrosées.

 

« La réouverture du dossier Bertrand Cantat a été saluée par les féministes. » Je pense comprendre leur point de vue même si je me trompe peut-être, au moins partiellement : il faut parler des affaires de violence pour que les victimes soient moins isolées et puissent agir, parler… Mais comme je le disais hier, il y a un autre aspect qui a été omis : l’emprise dont elles peuvent être victimes.

Mais, pour respect pour la famille, pour son intimité, il y a parfois des affaires qu’il faut oublier.

En outre, la violence n’est sans doute pas, à en croire les parents, la seule cause. Donc la nouvelle enquête, qui en suit trois autres, ne donnera rien.

Et des journalistes en peau de fesses se sont encore crus plus forts que la police et la justice. Je ne suis pas persuadé qu’ils cherchaient à faire le bien. Leur objectif n’était-il pas plus de faire le buzz pour gagner des auditeurs et… plus d’oseille ?

 

 

8 commentaires:

  1. Que Cantat soit un salopard, aucune ambiguïté, vous l'avez d'ailleurs écrit dans un post précédent..
    Cantat avait d'ailleurs affirmé , pour se défausser, que Marie Trintignant l'avait frappé et réveillé de vieilles douleurs : on savait Cantat violent, il est lâche aussi.
    Autant dire que je ne vais pas plaindre ce misérable, naguère icône de la gauche morale.
    Ceci dit l'acharnement judiciaire dont il fait l'objet, pour faire plaisir au parti néo-féministe, me paraît suspect et révélateur d'un retour à un ordre moral, dans lequel un compliment un peu appuyé, par exemple, pourrait très bien se voir requalifié en violence faite à une femme et la notion d'emprise (terme très vague), assimilée à un viol.

    Galatine.

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    1. Je ne sais pas si c'est un retour à un ordre moral (il y a bien pire, comme ces glandus de LFI qui traite de fascistes tous ceux qui ne sont pas comme eux). Mais le militantisme féministe dans la mouvance Metoo a pris trop d'importance dans certains sens, notamment pour ce qui concerne les propos "à charge" (alors que le combat est important : il faut que les femmes battues puissent s'en sortir).

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  2. On ne le répètera jamais assez, mais 4 ans de taule pour avoir massacré une femme (37 coups de poings, avec des bagues aux doigts, 6 heures d'agonie avant d'appeler quelqu'un) c'est pas cher payer. On peut certes dire que la chose est jugée, mais elle l'a très mal été et il faudrait qu'on se pose les question sur le pourquoi du comment.

    J'ai maté le fameux doc ce week-end et ce que j'en retiens surtout, outre le fait que Cantat soit un fils de pute (mais ça ce m'en doutais) c'est toute la machinerie qui s'est mise en branle pour minimiser son acte (la magazine qui titre "quand l'amour tue" c'est juste obscène). Ce sont les mêmes qui aujourd'hui refont leurs choux gras sur Cantat, sans aucune remise en question.

    On peut considérer le doc à charge, certes, mais il ne s'en cache pas et surtout il sort bien tardivement après une décennie d'"artiste écorché vif", d''amour trop fort" et de "chieuse qui l'aurait peut-être un peu cherché".

    Et surtout, les éléments qu'il rapporte sont difficilement contestables (le rapport d'autopsie, le témoignage bidon de Cantat et le compte-rendu d'hôpital sur les violences subie par Raly après la sortie de prison de Cantat). Je ne pense pas que l'intention initiale des auteurs du truc ait été de faire réouvrir le dossier. Il y a une certaine forme de résignation sur ce point chez toutes les personnes interviewées. Je pense qu'ils voulaient juste que les français aient conscience du bobard qu'on leur a vendu.

    Gadebois

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    1. La presse qui a soutenu sans relâche Cantat est un ramassis d'abrutis. Mais ceux qui l'enfoncent maintenant, notamment avec ce reportage à charge (qui a réussi, même si ce n'est pas le but) à refaire ouvrir le dossier, n'est pas loin. Il faut vendre... On commence par soutenir l'idole et une fois que le jugement est prononcé, on l'enterre.

      Les auteurs ont eu deux torts : reprocher à Cantat (en 2005) le fait qu'il se défende et faire une dernière partie à charge contre lui mais aussi contre la mère de ses mômes, victime parce qu'elle l'a soutenu.

      C'est indécent.

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  3. Ils reprochent surtout à Cantat d'avoir raconté des bobards dans sa défense.

    Après, sur C. Raly, j'ai pas eu l'impression que le doc ait été à charge. Il montre assez clairement (du moins pour moi) que c'est son témoignage qui a fait basculer le procès de Lituanie mais la manière dont c'est montré n'a rien d'accusatoire ; la grande question à laquelle il se garde bien de donner une réponse (et là effectivement on entrait dans autre chose de moins glorieux) c'est "pourquoi ?". Et surtout, ils évite le "elle l'a bien cherché" qu'on n'avait pas épargné à Trintignant.

    Après, autant je considère qu'une chose jugée (même mal) n'a pas à être rejugée, autant je considère que Cantat n'a aujourd'hui que ce qu'il mérite. C'est Richard Kolinka dans le doc qui dit que tout ce que les proches de Marie Trintignant (du moins lui en tout cas) attendaient de Cantat c'est qu'il fasse profil bas et qu'il ferme sa gueule. Cantat ne l'a pas fait ; il est revenu sur scène (comme il en a d'ailleurs le droit, hein ? je ne suis pas pour son cancel), a accordé des interview (dont une bien polémique à l'époque aux Inrocks), bref, il est redevenu une personne publique. Sauf qu'on n'est plus en 2003, mais en 2025 ; entre temps, on a inventé le terme "féminicide" et Meetoo. Les articles sur le pauvre chanteur qui aimerait tourner la page et qui déprime dans sa ferme du Lubéron (ou d'ailleurs, j'en sais rien) ça ne prend plus.

    Et encore une fois, si ce qu'il subit ne venait que de néo-féministes en mal de combat pas trop risqué j'adhèrerais à votre propos. Je ne pense pas que ça soit le cas. j'ai pas l'impression que ce soit un quelconque "ordre moral" qui soit à l'oeuvre dans cette affaire (je pourrais en citer d'autres ou c'est bien plus évident en ce qui me concerne), mais surtout le fait qu'on en découvre chaque jour un peu plus sur ce sinistre personnage.

    Après, tout se discute...

    Gadebois

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    1. C'est un peu le job d'un accusé et de ses avocats : raconter des bobards pour la défense.

      Ce qui a été à charge, pour la dame, n'est pas d'avoir pris la défense de Cantat (ou du moins enjoliver son cas) : c'est aussi la mère des enfants et elle le leur doit. Ce qui est à charge c'est d'expliquer clairement que c'est ce qui l'a poussé au suicide, indirectement. ils ne disent pas qu'elle l'a cherché, ils le font comprendre. C'est pire.

      Ce n'est pas dans le Lubéron mais vers Bordeaux, je crois. On est d'accord sur le fait qu'il aurait dû faire profil bas. Pour l'ordre moral, on est d'accord aussi, c'est que je réponds à un autre commentaire.

      Pour le "néoféminisme", je n'aime pas ce terme dans le contexte "metoo". Pour moi, les neoféinistes sont le gonzesses qui expliquent que le barbecue est machiste et qui veulent nous émasculer dès qu'on regarde le cul d'une pouffe.

      Le combat de metoo est beaucoup plus juste. La vice présidente de Metoomédia est une très bonne copine à moi et je la fais plutôt rigoler avec mes propos machistes (dans la mesure où elle sait que c'est de la provoc). Tout ça pour dire que je lis tout ce qu'elle écrit dans les réseaux (elle a en charge les réseaux sociaux en plus) et que je connais à peu près leurs pensées et finalités. Elle sait très bien ce en quoi on n'est pas d'accord : je n'aime pas les accusations non prouvées mais leur fond de "commerce" est que les femmes osent prendre la parole...

      Dans cette affaire, ce sont des journalistes qui sont à l'oeuvre et leur but est surtout de faire un maximum d'audience (et c'est réussi ; je ne sais pas s'ils gagnent plus de pognon ou s'ils arriveront à vendre plus cher une prochaine série).

      Dans un des mes billets, je parle de l'affaire Cahuzac : le fond est un scandale, le ministre chargé de la lutte contre la fraude fiscale est un fraudeur et tous les électeurs qui ont soutenu Hollande sont trahis. Mais Médiapart a orchestré toute l'affaire pour conserver des révélations à faire... et multiplier les abonnements. Ils auraient tout sorti d'un coup, la justice aurait été plus rapide et le but "moral" aurait été atteint.

      Pour en revenir au reportage sur Cantat, comme je le dis par ailleurs, ils ne disent pas comment un type a pété une Durit au point de massacrer sa compagne mais comment il a menti pour sa défense... (au moins, quand Cahuzac mentait, c'était devant le peuple et ses élus, pas devant les juges, c'est bien pire : c'est un traitre et c'est bien au grand public de juger).

      Et à la fin, tout le reportage explique que c'est la violence de Cantat qui explique le suicide alors que ce n'est sans doute pas vrai, que des enquêtes ont déjà été faites et j'en passe. C'est aussi odieux.

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  4. On est d'accord sur votre définition du néo-féminisme et de l'utilité de Metoo en général.

    Après, je ne pense pas qu'on puisse reprocher au doc de Netflix de vouloir "feuilletonner" comme l'a fait Médiapart au moment de l'affaire Cahuzac. Que ça soit une affaire de thune pour Netflix, je veux bien le croire, mais je ne pense pas que ça soit le cas pour les journalistes qui apparaissent dans le doc (il n'y a que pour Lio que j'ai des doutes, mais ceci dit je trouve qu'elle dit des choses sensées). Je suis près à vous donner raison s'il sortent un "Bertrand Cantat" saison 2.

    "Et à la fin, tout le reportage explique que c'est la violence de Cantat qui explique le suicide alors que ce n'est sans doute pas vrai, que des enquêtes ont déjà été faites et j'en passe. C'est aussi odieux."

    Là par contre je ne suis pas d'accord. Ils ne font pas de rapprochement aussi direct. Et aucune enquête n'a été faite sur les coups et blessures vu qu'elle a demandé à ce que l'hôpital ou elle a été admise n'en parle pas. C'est le doc qui dévoile cette information.

    Maintenant, une question : qu'est ce que vous diriez si, après le suicide d'une personne qui hébergeait un homme condamné pour meurtre dans le cadre de violences conjugales, on apprenait que cette personne faisait également l'objet des même violences, et que la justice ne réagissait pas ?

    Après, objectivement, oui, je ne pense pas que cette réouverture d'enquête donnera grand chose. Cantat n'a pas tué C. Raly et on ne met pas encore les gens en taule parce que ce sont des fils de pute. Mais ça serait pire, à mon sens, de ne rien faire au prétexte que "de toute façon elle est morte et n'oublions pas la famille". Toute explication, même partielle, vaudra toujours mieux qu'un silence qui laisse la porte ouverte à des théories de branque.

    Gadebois

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    1. Quand je parlais des journalistes, je voulais parler de ceux qui ont fait la série, voire des producteurs. J'ai beaucoup aimé ce qui concernait Lio (sans compter qu'elle était la seule personnalité à critiquer Cantat dès le départ).

      Pour la fin de la série, le rapprochement m'est apparu très rapidement !

      La série montre clairement une défaillance de la justice et je reconnais que je n'en parle pas (je parle du jugement initial bien trop léger surtout si l'on considère que sa remise de peine serait automatique dès son arrivée en France, après la première moitié de la peine).

      L'enquête ne devrait rien donner, en effet. Cela étant, si elle arrive à prouver que les violences sont la principale cause de "l'incitation au suicide", il pourrait y avoir condamnation.
      C'est la famille qui explique que ce n'est pas seulement la violence qui explique le suicide. Donc, jusqu'à preuve du contraire, la théorie de branque est que la violence explique le suicide... Parfois, il vaut mieux le silence.

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