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26 novembre 2015

Orphelin de bistro et bobos à la con

Le Tourbillon a fermé à La Défense. Je suis « orphelin de bistro près du bureau » (voir mon billet d’hier). Ce midi, je n’avais pas envie de manger à la cantine, avec les collègues, où j’aurais eu « entrée plat dessert » pour un peu plus de cinq euros. Je suis donc allé dans un bistro ouvert depuis un peu plus d’un mois, « la cantine du 38 ». J’y ai mangé un sandwich au pâté. Ils me l’ont servi avec des cornichons. Je n’aime pas les cornichons. Ces abrutis sont conservés dans du vinaigre et dénaturent le goût du pâté. Avec deux bières, j’ai payé 11 euros. Au Tourbillon, ça me revenait à 7€80. Par contre, j’ai observé l’ambiance, regardé les plats servis en salle. Le tout avait l’air sympathique en méritant le prix. J’irai volontiers pour les grandes occasions.
Ce soir, passant devant le Tourbillon fermé, comme tous les soirs dorénavant, j’ai décidé d’aller cher le coiffeur et, en sortant, je suis allé boire une bière à la brasserie juste à côté, à 20 mètres du Tourbillon, le Nouveau Monde. La pinte était à 6€40 contre 3€50 au Tourb. Cela fait à peu près le double, ce n’est pas supportable. Je ne critique pas. Ni à « La Cantesine du 38 », d’ailleurs, ce n’est pas la même bière. Néanmoins, dans le portefeuille, ça compte.
Néanmoins, ces considérations bristotesques m’interpellent. Le bistro de ce soir était plein à craquer avec des gens que je ne connaissais pas, donc des types qui n’allaient pas au Tourbillon. L’afterwork, on appelle cela, maintenant. Des gugusses qui vont boire un coup au bistro après le travail. Il faut donner un nom : l’afterwork.
Je passe le fait que si je vais boire un coup après le boulot, c’est « justement » pour ne pas boire avec des collègues, pour terminer la journée de travail. Basta. Si un décide de se joindre à moi, c’est avec plaisir mais on ne parle pas de boulot. Or, ces crétins ne font que cela. Je vais préciser ma pensée parce que j’ai dit plusieurs fois que ça me fait chier de ne pas parler boulot quand je bouffe à la cantine avec des collègues : je me fous de leur vie privée et de leurs centres d’intérêt. Mais c’est à l’heure de midi. Le soir, on devient client de bistro. Alors, au Nouveau Monde, j’écoutais les discussions. A chier.
C’est un bistro « moderne ». Je ne vais pas reprocher aux patrons de vouloir gagner de l’argent, ils font ce qu’ils veulent. La « Cantine du 38 » est un peu identique mais ils ont ouvert depuis trop peu de temps pour avoir une clientèle du soir. En fait, c’est profondément « bobo ». Les clients viennent parce que c’est à la mode, parce que « la bière est chère c’est donc de la qualité ». Ils n’ont rien compris. D’ailleurs, quand je suis arrivé, le comptoir était plein et j’ai eu du mal à trouver une place. Une demi-heure après, disons vers 19h30, il était vide, la salle et la terrasse étaient entièrement occupées.
Je conchie, gentiment, ces braves gens. L’afterwork doit se passer au comptoir, tournées après tournées. Celui du Tourbillon était grand, ils n’y allaient pas, préférant un bistro plus cher, plus moderne. Ils en font un passage obligé, surtout le jeudi soir : aller au bistro avec des collègues. Aussi bien, ils se prennent pour des rebelles et des amateurs de bière. Ils vont boire des pintes avec des collègues pour chier sur le patron.
Moi, je vais au bistro pour boire des bières et déconner avec des copains.
Des pauvres types qui n'ont aucune vie sociale hors du boulot et détruisent leur vie familiale pour le faire. Et qui n'on aucune vie privée puisqu'ils vont boire avec leurs collègues.

30 juin 2015

Le bistro parfait : le bar des sports, à Ivry-sur-Seine

De 2003 à 2008, je bossais à Ivry-sur-Seine (les jours où je n’étais pas à Brest). Dans une rue où il y a le campement de Roms qui fait parler de lui à l’occasion. Un immeuble ultra moderne au sein d’une zone un peu louche, près de la cité Gagarine… Du coup, j’y connais un peu les commerces du coin mais je les fréquentais peu, par réticence (en français : dans mon précédent poste, j’allais souvent au bistro dans le quartier, le soir, et j’arrivais à des heures peu croyables à Bicêtre, j’avais donc mis un gros stop. Depuis mon dernier changement, par contre, je traine beaucoup dans les bistros à côté du bureau). La cantine de la boite était très bien donc j’y mangeais tous les jours. J’arrivais en voiture, je mangeais là, je repartais en voiture. Je ne fréquentais donc qu’occasionnellement les bistros du coin.

En 2008, j’ai été muté à la Défense, puis dans le 15ème puis à nouveau à la Défense. Depuis hier, je suis en stage là-bas. Ca me faisait chier d’ailler bouffer à la cantine (les autres stagiaires bossent là et bouffent avec leurs collègues). Il n’y a rien de plus chiant que de bouffer tout seul dans une cantine alors que dans un bistro, c’est le bonheur.

Je suis donc parti à la recherche d’un bistro que je connaissais vaguement mais il ne faisait pas à manger. C’est ainsi que j’ai déboulé par hasard dans le « bar des sports » à Ivry-sur-Seine. Hier, je n’avais pas trop le choix, faute de temps. Il y avait des travaux dans la rue (les gars refaisaient le goudron), c’était l’enfer. Il n’empêche que j’ai été immédiatement séduite par ce bistro, le pire ou presque de tous ceux que j’ai fréquentés mais avec un patron et un patronne, portugais, d’un gentillesse et d’une sympathie hors du commun. A cause du bruit, j’étais le seul client. Les rideaux étaient fermés pour empêcher les rayons de soleil d’entrer sournoisement. Je me suis trouvé figé comme si j’étais bloqué dans les années 60… Je demande s’ils font des sandwiches (la patron était au comptoir, la patronne – je ne savais pas qu’elle l’était – mangeait en salle). La patron me dit oui et me demande ce que je veux. Il appelle sa femme pour tenir le comptoir et est parti dans une boulangerie voisine acheter du pain. « Comme ça il est toujours frais », qu’il m’explique. La patronne va me le remplir de pâté (2/3 de la baguette !). Elle revient. Le patron va, à son tour, déjeuner (vous en connaissez beaucoup des patrons de bistros qui mangent à 12h30 ?) et je reste avec la patronne mais en discutant très peu, car nous n’avions rien à dire et qu’il y avait le bruit des travaux.

Pour l’anecdote, pour cette formation, nous étions, hier, dans une salle sans climatisation. C’était l’enfer. Le formateur nous a donc laissé deux heures pour manger. Aujourd’hui, nous avions une salle « normale » mais qu’un heure, pour rattraper le retard. Je choisis donc d’aller dans le même bistro (les travaux devaient être finis) et de prendre la même chose.

Même chose, d’ailleurs. Le patron qui appelle sa femme pour tenir le comptoir pendant qu’il allait acheter du pain. Il y avait plus de clients (4 ou 5 ?) qui parlaient un peu fort. La vraie ambiance de comptoir.

La patronne m’apporte le sandwich. Elle avait mis des cornichons. J’ai horreur des cornichons et, en plus, ça masque le goût du pâté. Le cornichon dans un sandwich est une hérésie, tout comme la moutarde avec le pot-au-feu. Je les enlève.

Le patron (José Da Silva, pour vous dire qu’il est Portugais), va manger. La patronne reste au comptoir et nous échangeons trois mots. Pas plus. Je mange. Bois mon demi. Un deuxième. Et un café. Je paye. Elle constate alors que j’avais mis les cornichons dans l’assiette et présente ses excuses pour s’être trompée. Je pardonne : « Pas grave, madame ». Elle me remercie chaleureusement pour ma mansuétude alors que 90% des bistros parisiens m’auraient engueulé pour pouvoir me facturer les cornichons.


Ma formation est finie. Je regrette. La prochaine fois où j’irai dans le quartier, les patrons seront en retraite, je suppose. L’affaire aura été vendue. Ou pas. Sera à l’abandon. Comme le coiffeur, juste à côté, que je fréquentais à l’occasion.

14 juin 2015

Ce vieux con de Roger !

J’ai passé une partie de la soirée d’hier avec le vieux Jacques. On a bu des coups et raconté des conneries. Cela fait probablement plusieurs années que ce n’était pas arrivé. Il a ses problèmes de santé et pas beaucoup de pognon. Quand il est en forme et que la retraite est tombée, il picole le midi et est hors service le soir. Tant que Marcel a été malade, il l’a beaucoup aidé, soutenu, de même que son épouse, Miranda. Du coup, il sortait encore moins pour être en forme. Enfin, il est durablement fâché avec Michel, le patron de l’Amandine. Je le voyais donc peu mais j’ai l’impression que cela va changer.

Quelques mois avant la mort de Marcel, il a pris l’habitude d’aller manger à la cantine municipale avec Miranda, là où déjeunent les employés de la commune et les petits vieux. C’était plus pour forcer Miranda à sortir de chez elle. Depuis l’enterrement, ils ont continué.

Moi, vous me connaissez, j’aime bien mes petits vieux, non pas parce qu’ils sont vieux, je m’en fous, mais parce qu’on a un tas de points communs qui nous poussent à raconter les mêmes conneries, devant les mêmes verres. Il y a de l’amitié, de l’affection, je ne sais pas comment le décrire et on s’en fout. Ce n’est pas l’objet de ce billet contrairement au vieux Roger, celui que je vois le plus souvent, en fait ! Je l’aimais bien aussi. Je parle au passé : il n’est pas mort mais je ne l’aime plus. Déjà, samedi dernier, j’ai eu la flemme de passer à l’Amandine alors que c’était un rituel, pour moi, boire un coup avec Corinne et Roger, et, souvent Victor, José et quelques autres. Je n’ai pas eu le courage d’aller affronter cet imbécile, je ne sais pas pourquoi. Hier, alors, je me suis décidé, comme si je me reprenais en main. C’est bizarre, j’ai mes quatre bistros et je tiens à les faire tous : la Comète, bien sûr, l’Aéro, l’Amandine et le PMU, au moins une fois par semaine.

Fuyant Roger, j’étais en train de fuir l’Amandine et donc son patron, Michel, mais aussi les clients qui ne vont que là-bas, comme Corinne et aussi Victor dont je ne crois pas déjà avoir parlé. Ce type m’intrigue : c’est le seul jeune de la bande. Presque le seul jeune client des bistros de Bicêtre, du moins des quatre miens. Disons même le seul jeune d’origine française. Il faut le dire : le racisme est une partie du fond de ce billet. Car Roger est raciste.

Je le connais depuis une quinzaine d’années, peut-être 18. C’est en fait le type que je connais depuis le plus longtemps dans la bande, à part Patrice et, encore, ce n’est pas sûr. Il finissait son boulot assez tard, vers 21 heures, et venait boire une bière ou deux à la Comète. Il a pris sa retraite après 65 ans, 67, je crois et je ne le voyais plus que le dimanche avant que je ne le perde de vue. Sa femme est morte il y a six ou sept ans. Il s’est retrouvé seul (il a des enfants chez qui il va souvent), désemparé. Des copains l’ont botté le cul pour qu’il retrouve une vie sociale. Alors à midi, il va à l’Amandine puis déjeune à la cantine municipale. Il m’a reconnu et on l’a intégré à notre bande du samedi midi. A l’époque, il y avait Corinne, sa mère et moi. Cette heure que nous passions ensemble était à peu près leur seule vie sociale (en dehors du boulot pour Corinne). La mère à Corinne a été hospitalisée et ils ont fini par prendre l’habitude de déjeuner, Roger et elle, souvent avec Victor. C’est assez rigolo : il y a plus de quarante d’écart entre Roger et Victor, Corinne est au milieu, avec quelques années de plus que moi. Roger a 83 ans, comme la mère de Corinne et la mienne, c’est pour cela que je m’en rappelle.

J’aime bien Victor et je crois que c’est réciproque. Il m’aime bien car je n’arrête pas de raconter des bêtises et d’insulter Roger, affectueusement… Il représente un peu la relève, celui qui s’occupe des petits vieux des bistros.

83 ans et en parfaite santé physique. Outre le fait qu’il soit raciste et con, il radote. Il n’a plus sa tête, il raconte toujours les mêmes histoires, le Roger. Et il est raciste ce qui a tendance à nous amuser vu qu’il n’arrête pas de s’embrouiller, après quelques verres, avec tous ceux qui ne donnent pas l’impression d’être totalement originaire de notre douce patrie… Du coup, on l’engueule et cela fait très rigoler les agressés. A jeun, il n’est pas raciste (ou du moins, il ne le manifeste pas…). Sinon, il aurait été jeté du bistro. Mais, un peu bourré, c’est à chaque fois le même cirque. On va même jusqu’à le chauffer un peu, d’où ma dernière remarque au sujet de Victor. Je raconte des conneries et le vieux part « en live », Victor et le patron rigolent. Corinne soupire…

Il sait qu’il est mauvais quand il est saoul donc limite sa consommation mais boit souvent un verre de trop. Comme hier.

Il m’a raconté une histoire qu’il m’avait déjà raconté dimanche dernier et un quart d’heure avant…

A la cantine, il mangeait à la même table que Jacques depuis des années. Quand Miranda est arrivée, ils mangeaient tous les trois. Puis une autre dame s’est installée là et il n’y avait plus de place pour Roger qui a été obligé de manger à une autre table. C’était l’histoire de dimanche dernier. Cette semaine, il y a eu une suite. La dame a été hospitalisée. Sa place était donc libre et le personnel de la cantine lui a proposé de l’occuper. Quand il m’a raconté cela pour la deuxième fois hier, un peu ivre, il s’est fâché : « j’ai refusé ! Tu te rends compte qu’ils voulaient encore que je change de table. »

C’est histoire n’a évidemment aucun intérêt mais vous pouvez comprendre que l’entendre deux fois au cours du même apéro, ça m’a gavé. Je me suis donc décidé à partir, presque en jurant de ne jamais revenir, d’autant qu’il y avait le beauf de José, con comme une bite, qui racontait des bêtises. J’ai l’impression de partir énervé de ce bistro à chaque fois (relisez mon billet de dimanche dernier, tiens !). J’aime bien ce bistro, son patron, les personnages, mais au bout d’une demi-heure, s’il n’y pas que le patron et moi, voire Patrice, je fuis.

Des clients sont arrivés pour déjeuner. Le patron (enfin, son fils mais on s’en fout) leur a proposé une table qui venait de se libérer. C’est le vieux René qui y avait déjeuné (je l’aime bien mais il a des copains qui lui racontent ce que je dis dans le blog !). Ce vieux con de Roger s’est mis à hurler : « AH NON, HEIN, CA NE VA PAS RECOMMENCER, ON l’AVAIT RESERVEE. »


Je me demande ce que je fais avec ce con là.

14 mars 2015

Des intrus au bistro

Armée de trolls devant la Comète
Ma journée fut moyenne, hier. Je suis arrivé en retard au travail vers 10h10 alors que j’avais une réunion à 10 et trois autres dans la journée, dont deux pour lesquelles il me fallait faire le compte rendu et mener les actions décidées, ce qui fait que j’ai quitté le bureau vers 19h45. N’allez pas dire « ah le pauvre il travaille beaucoup » : vous enlevez l’heure de déjeuner et les pauses diverses, ça fait une journée de moins de 8 heures. Mais fatigante. Ca m’apprendra à glander le matin… Le temps de boire un coup à côté du travail, je suis arrivé dans mon royaume vers 21h20. Il y avait là quelques sujets, de gauche à droite : Francis, un type qui passe tous les soirs boire un Ricard après avoir fait tous les bistros de l’avenue, « Chapeau », l’amant d’Odette, le vieux Joël, Odette et Geneviève.

Mon royaume ? Le comptoir de la Comète. Que des gens « de la bande », des personnages du blog, quoi ! Quelques personnes dinaient en salle et en terrasse. Joël racontait sa jeunesse aux serveurs Roger et Mehdi, un nouveau. Alors qu’on fait depuis une dizaine d’années la fermeture des bistros ensemble, je ne connaissais pas cette époque de sa vie. Je connaissais son enfance, mais pas la période entre elle et le milieu des années 70 quand il a commencé à bosser dans le spectacle. C’est assez rare, chez lui, ce n’est pas le genre de vieux qui ressassent des souvenirs. Ils rigolaient comme des madeleines. Du coup, je lui ai posé des questions, il m’a raconté.

Tout cela pour dire qu’on était bien. A part les loufiats, Joël et moi, tout le monde était cuit. Ces braves gens ont fini par partir. J’étais seul au bar. Il restait deux clientes en terrasses et Mehdi leur a demandé de passer au comptoir pour qu’il puisse faire le ménage. Il a fait les présentations. C’était deux jeunes filles charmantes et rigolotes d’autant qu’elle avait picolé juste ce qu’il fallait pour cela. Par politesse, on entame une conversation mais on se rend compte rapidement qu’on n’avait pas grand-chose à se dire. En fait, elles parlaient entre elles de sujets qui ne m’intéressaient pas. J’ai ressorti mon iPhone qui n’avait quasiment pas servi de la soirée et j’ai foncé dans les réseaux sociaux, m’écartant vaguement des dames pour leur montrer que je n’étais plus avec elles. Au bout d’une minute ou deux, l’une me fait une réflexion, du genre : laisse tomber ton machin, reviens avec nous dans la vraie vie. Ce à quoi j’ai répondu formellement avec des excuses : patati patata, j’étais en conversation dans Twitter avec des potes de la vraie vie et vous venez à côté de moi alors qu’on ne se connait pas et il faudrait qu’on parle. Et tout ça. La vraie vie est un truc assez drôle. Il ne faut pas confondre le réseau social, qui regroupe les gens que l’on connait, et le média social qui peut-être un comptoir ou Facebook.

En fait, le charme était rompu. Je n’attendais qu’une chose : qu’elles se cassent. J’aime bien terminer la soirée seul pendant que les serveurs finissent le ménage, fassent la caisse,… S’il y a des clients inconnus, les serveurs sont obligés de les virer assez tôt parce qu’ils ne savent pas jusqu’à quelle heure ils vont traîner. Il y a toujours des casse-couilles qui veulent boire un dernier verre quand les comptes sont bouclés : c’est impossible de les servir. Quand je suis tout seul ou avec un ou deux clients, ils savent que je partirai avec mon monde quand ils mettront leurs manteaux. Et quand je suis tout seul et qu’ils ne sont pas pressés, on boit un dernier verre…

Je me rappelle d’une époque où je bossais moins loin et plus tôt le matin. J’arrivais donc plus tôt dans le quartier. Je m’arrangeais pour arriver après 19h20 pour que les braves gens qui boivent un coup après le travail, soient partis et qu’il ne reste plus que les habitués du soir. Mon « 19h20 » pourrait sembler précis mais il résulte d’observations précises. Les types qui doivent rentrer pour dîner en famille se fixent une heure précise, 19h, pour rentrer et sont toujours un peu en retard…

Toujours est-il que les deux jeunes femmes m’importunaient pour des raisons foireuses : il y avait des intrus dans mon royaume.

Avant-hier, Alain, un copain, enterrait sa belle-mère. Il vient de moins en moins au bistro mais le soir il est passé, besoin de boire un coup avec les copains. Vers 21h30, les oreilles chauffaient d’autant qu’un groupe de clients rigolaient très fort en terrasse. Il s’est mis en colère et à crier très fort et les a engueulés. Nous le calmions mais a remis ça à plusieurs reprises. Vers 22h, elles (c’était un groupe de fille, ce que nous avons constaté en suite) sont parties. Il continuait à vociférer : « ah, enfin, elles comprennent,… » Les copains le retenaient et je faisais tampon entre elles et eux pendant qu’elles sortaient. C’était rigolo : chacune m’a présenté ses excuses pour le bordel et je répondais que c’était à nous de nous excuser et tout ça.

Toujours est-il qu’Alain était venu à la Comète pour nous voir, pour trouver le calme du comptoir  et qu’il avait été gêné par des rigolades en salle. Il y avait des intrus dans son royaume.

Dans les années 2000, j’allais souvent en déplacement à Brest. Après quelques tâtonnements, j’allais toujours dans le même resto, le soir (grande salle presque vide, bouffe de qualité, service sympa). Au bout d’un an ou deux à raison d’un ou deux repas par semaine, le serveur a changé. Aussi sympa que le précédent mais ne connaissant pas encore mes habitudes, ne m’apportais plus le journal et une bière quand j’arrivais. Je m’étais forgé un royaume, inconsciemment, bien sûr, et tout était à refaire. En moins d’un mois, j’ai fini par déserter.

Parfois, le sentiment est inverse : on a l’impression d’être l’intrus dans le royaume des autres. Le personnel est aux petits soins, avec vous. Au bout de peu de temps, les loufiats vous connaissent mais vous avez l’impression d’importuner les autres clients (qui ne vous accordent pourtant aucun intérêt). Du moins, c’est mon cas, parce que j’aime bien les bistros où je suis habitué. Je suis très fidèle. Je pourrais en faire un billet.

Prenez les deux donzelles d’hier soir. Pour elles, rien de plus normal. Elles sont en salle, le bistro ferme, le serveur leur propose de passer au comptoir et leur présente le seul client présent. Elles n’avaient aucune raison de penser qu’elles interrompaient une sorte de rite. Elles ont dû me prendre pour quelqu’un de passage, comme elles, un type qui avait diné et venait prendre une dernière bière au comptoir. Si j’avais été à leur place, ce qui m’arrivait souvent quand je faisais beaucoup de déplacements professionnels (ailleurs qu’à Brest,…), j’aurais immédiatement compris que j’aurais été un intrus.

Les pires sont les intrus professionnels, qui s’imaginent que vous êtes là pour les mêmes raisons que lui : discuter avec des gens au hasard, et qui n’arrivent pas à comprendre que ce n’est pas le cas. Quand je vais dans un bistro inconnu, c’est parce que j’aime ça. Ce n’est pas pour rencontrer des gens. Les rencontres sont une conséquence, pas une fin en soi.

D’ailleurs, je parlais de l’iPhone et de la réaction de la gonzesse. Les smartphones et les réseaux sociaux m’empêchent clairement de rencontrer des gens dans les bistros, pas d’aller au bistro, d’écouter, de regarder,…. Les rencontres, dans le bistro, ne peuvent se faire qu’au fil du temps. J’ai horreur de la rencontre d’un soir. Vous devenez subitement copain d’enfance avec un type que vous ne reverrez jamais. Il faut qu’il soit drôle pour que cela soit tolérable.

Ainsi, dans le bistro, dans le royaume, les clients habitués sont comme des meubles. Les clients de passage sont la raison d’être du lieu (gagner de l’argent…) mais quand ils ne respectent pas vos habitudes, ils deviennent des intrus, des gênes, vous les haïssez, vous les prenez pour des cons, au sens propre de ce mot, s’il pouvait avoir une définition, des types sans intelligence, grossiers,…

Des trolls.



13 février 2015

Le serveur nul

Avant les vacances de Noël, j’avais pondu un billet à propos du serveur qui allait remplacer l’ancien qui partait en retraite dans le bistro où je bouffe le midi. J’avais dit qu’il était parfait ce en quoi je m’étais vautré lamentablement : il ne faisait pas l’affaire et a été rapidement lourdé. L’ancien est revenu une semaine pour en former un autre. C’était rigolo, comme si c’était une formation au pas de charge, avec un tas d’ordre :
  •        Tiens, le monsieur semble avoir fini, tu peux lui demander confirmation, retirer son assiette et lui demander s’il veut autre chose,
  •        Tiens, les clients sont partis, débarrasse ce coin de comptoir,
  •      Tiens, puisque tu as pris la commande, amène le pain et les couverts, ils ne viendront pas tout seul,
  •          Tiens, mais tu feras la vaisselle plus tard, vérifie donc si les clients n’ont besoin de rien,
  •        Tiens, ne laisse jamais rien trainer sur le comptoir, ramasse au fur et à mesure sinon tu seras dans le jus et ne seras pas où accueillir les nouveaux clients,
  •         Tiens, tu n’as rien à faire pendant une ou deux minutes, commence ta vaisselle, sinon tu ne seras jamais prêt à 15 heures…


De fait, j’ai plus appris en une semaine intensive qu’en trente ans de comptoir. Pourtant, j’ai un bon instinct. Depuis, j’essaie de prendre en défaut les serveurs de la Comète mais je n’y arrive pas.

Par contre, depuis que l’ancien est parti, c’est le bordel. Le remplaçant du remplaçant ne fait pas l’affaire, à un point que je me demande depuis si je ne vais pas intervenir. Ce midi, je me suis presque décidé à le faire car, en plus, il mettait ses propres boulettes sur le dos de ses collègues, du genre : « ah mais j’avais demandé à mon collègue de faire le sandwich » ou « c’est en cuisine qu’ils sont dans le jus. »

Si on ajoute à cela qu’une bande de clients abruti traine depuis une semaine ou deux au comptoir et font du bruit, j’ai bien envie de changer de crèmerie. Tiens ! Je parlerai de ces gars dans mon blog geek d’ici peu.

Intervenir ? Que puis-je faire ? En parler au patron. Je ne suis pas une balance et, surtout, je m’interdis d’entrer dans les affaires d’un bistro. En outre, celui-là est le seul où je suis habitué depuis plusieurs années dont je ne connais pas les patrons. Dans l’histoire de la Comète, pourtant, je suis intervenu trois fois, je crois. Les trois fois, j’avais raison, non pas sur le fait d’intervenir mais sur le fait que les agissements du serveur n’allaient pas dans le sens des intérêts de la maison.

Hop ! Je vais vous les raconter.

La première fois, c’était le soir où Bruno nous a annoncé qu’il s’arrêtait, qu’il ne reprenait plus la gérance, donc en juin 2010. Alors que les autres clients étaient partis. Quand tous les clients étaient partis, avec Bruno, on a discuté longuement de ce qui n’avait pas fonctionné dans son bistro et il avait complètement zappé le personnel du soir (tous les midis, il était là) dont deux proches à lui qui étaient nuisibles. Je voulais le lui dire mais il ne m’a pas laissé parler, ou, du moins défendait leurs conneries. Dès le début, je n’avais pas pu les blairer tout en ayant une certaine affection pour eux et en me disant que je serai toujours dans le quartier après leur départ. En gros, dès que le patron partait, les clients en salle étaient servis à peu près normalement s’il y en avait beaucoup mais dès qu’ils avaient l’occasion de se relâcher, c’était le bordel dans le bistro. Ils allaient acheter des bouteilles de whisky à l’épicerie d’à côté et se pochetronnaient. Je me suis toujours demandé s’ils ne tapaient pas dans la caisse ou ne vendaient pas des verres à partir de bouteilles qu’ils avaient eux-mêmes acheté. C’est un truc que je ne supporte pas : la tenue d’un bistro nécessite une confiance entre le patron et les salariés qui bossent quand il n’est pas là… Je me répète : il ne m’a pas laissé parler alors que je voulais le mettre en garde pour de nouvelles affaires. J’aurais crié : ne prends pas de serveurs à trop forte personnalité, ils se prennent pour le patron et font ce qu’ils veulent.

La deuxième fois, c’était la patronne qui m’avait demandé ce que je pensais d’un jeune serveur qui bossait là depuis quelques temps. Si elle me posait la question, c’est qu’elle savait bien qu’il y avait un truc. Or, je savais, et pas elle, qu’il allait partir dans moins d’un mois et visiblement pas elle. Nous étions devenus très potes et il me faisait des confidences. C’est d’ailleurs ce que je lui reprochais, il avait tendance à nous prendre pour des copains et à oublier le volet professionnel de la chose. C’est peut-être la première fois que je voyais un serveur ne pas faire la part des choses, ne pas savoir si, à un moment donné, il était le serveur ou le copain. Et cela m’exaspérait. En plus, tous les soirs, il était pressé de partir. Il disait au cuisinier de fermer la cuisine à neuf heures avec une demi-heure d’avance et me disait que, lui-même, n’était pas payé que jusqu’à 22 heures. De fait, la maison refusait des clients avant 21h30 et il faisait tout pour faire croire que la maison ne faisait pas restaurant le soir. C’est facile : il suffit de ne pas sortir le menu et de ne pas mettre des couverts sur les tables. Alors, j’ai répondu en quelques mots, à la patronne, du genre : il a du mal à faire la différence entre les clients et les copains et a tendance à être très rapide à la fermeture ce qui fait qu’on a l’impression de gêner, au comptoir.

La troisième fois, c’était après l’embauche d’un nouveau serveur. Elle me dit : alors, il est bien, hein, le nouveau ? Pas de bol, je ne le sentais pas et je le lui ai dit. Le plus drôle, c’est qu’il est devenu un bon copain et que c’est elle, il me semble, qui a commencé à lui trouver des défauts, d’autant que ses collègues ne l’aimaient pas du tout.

Ce midi, j’avais faim. Je me pointe. Je commande une bière et un sandwich. Au bout de vingt minutes, je demande au serveur s’il ne m’a pas oublié. Au bout d’une demi-heure, il m’a amené un sandwich. Il avait mal fait son boulot, ne sachant pas gérer les priorités. Je le voyais, il était toujours derrière le comptoir, essuyant la vaisselle, servant d’autres clients. Toutes les consignes de l’ancien étaient oubliées.

Avant-hier, j’avais bondi : il avait apporté son plat à un client avant de lui amener les couverts puis il est allé chercher une corbeille de pain et le type avait dû réclamer une fourchette et un couteau. Et je vois bien que les clients habitués commencent à ronchonner. Mais un client habitué est un client habitué, il ne part pas s’il n’est pas content, il sait que la situation s’améliorera parce que le patron ou le serveur partira un jour.

Je ne connais pas les patrons de ce bistro. Le serveur finira par partir ou j’irai manger dans la brasserie à côté. Je ne parlerai pas au patron, il perdra sa clientèle d’habitués sans même savoir pourquoi, pensant que le départ de l’ancien a marqué une page qui se tourne.


Ce midi, il y avait ses quatre clients bruyants, à côté de moi. Ils boivent des pintes de Grimbergen. Forcément, au bout de deux verres, le ton monte et chacun veut se faire entendre. Ils finissent par un Calva (que l’un a renversé sur le comptoir devant moi). Le serveur leur a offert un autre Calva, pour la deuxième fois de la semaine. C’est une faute professionnelle… Il incite des clients bruyants à revenir et ne sert même pas une bière à un type qui mange là tous les midis depuis deux ans.

05 février 2015

Le hérisson qui piquait

« C’est un hérisson qui piquait qui piquait, Et qui voulait qu'on l'caresse, resse, resse. On l’caressait pas, pas pas pas pas, non pas parce qu’il piquait mais parce qu’il piquait pas. » Voila ce que l’on chantait avec Didier Goux hier soir au comptoir de la Comète en se rappelant les chansons de notre jeunesse (celle-là était dans Emilie Jolie, Didier Goux est resté jeune longtemps) avant de se faire engueuler par Roger le serveur qui menaçait de ne plus nous servir si on continuait. Alors on a commencé à chanter la grosse bite à Dudule et il a bien été obligé de nous servir.

Voila ce que je me rappelle de mon rêve de cette nuit, relativement surprenant vu que je n’ai pas l’habitude de faire le con au comptoir. Je m’en rappelle, c’est une façon de parler. Mais, ce matin, comme ça fait plusieurs fois que je fais des rêves que j’ai envie de raconter sur le blog, j’ai pris des notes.

Et hop ! Un billet drôle pour pas cher…


Le plus inquiétant est que je me mette à rêver du vieux.

30 janvier 2015

Qui sont ces solitaires du comptoir ?

Tous les midis, je mange dans une grosse brasserie, le Tourbillon, à la Défense. J’en ai fait des billets sur à peu près tous mes blogs. Je mange en silence sans écouter les conversations des gens au comptoir mais elles finissent par entrer dans mes oreilles. Par exemple, le quartier étant plein d’informaticiens, comme moi, je comprends les conversations sans les écouter. De fil en aiguille, j’ai fini par y passer quasiment tous les soirs, d’autant qu’ils font happy hour, ce qui nous fait le demi à 1€50… J’y retrouve souvent des collègues, ceux qui bossent en soirée pour faire les installations de nouvelles versions de logiciels pour nos serveurs.

Comme je n’ai plus de temps de bloguer au travail, j’y fais ma revue de blogs avant de sauter dans le métro.

J’ai ainsi repéré que nous sommes trois solitaires, trois types qui venons tous les soirs ou presque et qui ne parlent qu’aux serveurs. Il y a ce grand type qui fume des cigarettes électroniques et ce type tout maigre avec une sorte de boule sur la joue, comme s’il avait une rage de dents ou un abcès. Les autres clients sont des groupes de cadres du quartier – cons comme des bites, en général – qui viennent boire des coups après le boulot, ce qui mériterait un billet…. Toujours est-il que nous sommes trois, précisément, pas 3,14197…, 3, à boire une bière tout seul à peu près tous les soirs. Je dis une bière, c’est une façon de parler.

Nous ne nous sommes jamais parlé, en deux ou trois ans. Tous les trois, on est identiques, a priori, on vient là pour boire un coup (pour ma part en attendant 20 heures, pour avoir une place assise dans le métro). Contrairement à d’autres crétins, on ne vient pas au bistro pour voir des gens, on s’en fout.

Ce soir, le hasard a fait que j’étais juste à côté de l’un d’entre eux, de l’un de nous trois, donc ce n’était pas l’autre. Je ne lui ai jamais parlé, je me répète. Son smartphone n’avait plus de batterie. Il a donc demandé au serveur de le lui mettre en charge. Le serveur a refusé car d’autres clients avaient fait la demande et toutes les prises étaient occupées.

Je ne sais pas ce qui m’est passé par la tête mais à force de passer une demi-heure ou deux dans ce bistro avec ce type, il m’est sympathique. Il avait posé son smartphone sur le comptoir avec le câble. J’ai sorti ma batterie de secours et l’ai branchée en lui disant que ça lui remettrait une vingtaine de pourcent de charge mais que je devais partir dans une dizaine de minutes. Je ne lui ai pas demandé son autorisation, je l’ai fait : j’ai branché le truc. Comme un geste d’autorité. Je n’étais pas pressé de rentrer, le vieux Joël est à l’hôpital et Tonnégrande en déplacement professionnel en province. J’ai rendu service à ce type spontanément, presque par réflexe ! Pas par altruisme, comme ça, par réflexe. Quand je tombe en panne de batterie, j’aimerais bien pouvoir compter sur les autres, ce type était dans la merde, je suis intervenu.

Un quart d’heure après, il avait récupéré, principe (je ne suis pas là pour vérifier) assez de batterie pour finir la soiré,e j’avais réglé ma note donc voulais partir, il m’a rendu le chargeur pour que je puisse me casser. Il m’a remercié et bredouillé trois mots. J’ai répondu une banalité, du genre : vous devriez faire pareil, acheter une batterie de secours, ça coute moins de 50 euros et ça aide bien. Il m’a dit : ah oui, tiens !

En deux ans de comptoir commun, c’est la première fois que nous parlions. Je le faisais parce que je m’en foutais : je rendais service parce que ça ne me coutait rien de rendre service. J’ignore ce qu’il fait là. J’ignore ce que l’autre fait là, celui qui fume des cigarettes électroniques en buvant des Grim alors que je bois de la bière ordinaire et l’autre, mon pote du soir, boit des digestifs. Je m’en fous et ils s’en foutent. Je ne vais pas au bistro pour me faire des copains, j’en ai déjà assez. Ils font ce qu’ils veulent.

Toujours est-il qu’un truc m’a surpris : le type en question avait l’air de ne pas me connaître alors qu’on se voit une ou deux fois par semaine dans le métro, le matin, et tous les soirs au bistro.

Putain de solitude ! Moi, j’ai mes potes qui m’attendent, à la Comète. Personne n’attend les deux lascars. Ils boivent des bières au comptoir pour attendre que la vie tourne. Le plus drôle est qu’ils m’ont forcément repéré (un gros frisé buvant de la bière plongé dans son iPhone) et pensent la même chose de moi ce qui prouve que j’ai probablement tort dans mon analyse ! Aussi bien, la femme du grand qui fume des cigarettes électronique a un boulot qui fait qui fait qu’elle rentre à la maison à 21 heures ce qui fait qu’il n’a aucune raison de rentrer avant. On n’en sait rien.

Ce soir, je suis arrivé à la Comète plus tard que d’habitude. Il y avait les copains (y compris Tonnégrande rentré de déplacement plus tôt que prévu). Il y avait deux femmes seules et saoules au comptoir. Je parle parfois de Geneviève qui m’a encore demandé, ce soir, si je cherchais une femme de ménage. Je ne connaissais pas l’autre. Je n’étais même pas sûr que c’était une femme, tant elle ne ressemblait rien. Ce sont les copains qui me l’ont dit. Le serveur m’a dit qu’elle était là depuis plus d’une heure mais qu’elle n’avait rien consommé car elle n’avait pas d’oseille.

Je lui aurais bien payé un coup, mais ça n’aurait pas été rendre service à la boutique.

Les copains sont partis, les inconnus aussi. Je suis resté avec les serveurs le temps qu’ils fassent le ménage, la caisse, qu’ils rentrent le mobilier de la terrasse, une sorte de routine. Ils n’étaient pas pressés. Du coup, je leur ai dit qu’il y avait une grève du RER A et qu’ils pouvaient être emmerdés. Ils m’ont répondu que la grève était terminée. Je leur ai signalée qu’elle avait été relancée.


J’étais à deux minutes de chez moi et ils allaient galérer pour rentrer.

Qui sont ces solitaires de comptoir ? Qui est ce type surpris que je lui propose de recharger son smartphone avec ma batterie de secours me demandant humblement si ça n'allait pas me déranger.

J'aurais pu lui répondre ; mais non, ducon, si je te le propose, c'est que je n'en ai rien à cirer. Dans tous les sens de la locution.

08 décembre 2014

Contre la bière !

Comme j’ai la réputation de boire de la bière (je ne sais pas pourquoi), quand un type me donne un rendez-vous pour boire un coup, il choisit généralement un bar à bière ou un pub alors que j’ai horreur de ces lieux et des bières un peu spéciales. Mon truc à moi, c’est le bistro, qu’il soit tout petit comme l’Aéro ou gigantesque, genre grande brasserie.

Je ne vais pas en faire une théorie sauf si vous insistez. Vous insistez. Bien.

Tout d’abord, le produit : la bière pression. La température idéale de la bière est aux alentours de 6 à 8 degrés. Elles sont souvent servies plus fraiches car elles se réchauffent naturellement dans votre verre. Or cette fraicheur casse le goût, exactement comme pour le pinard. Imaginions que vous achetiez du vin et que vous ne l’appréciez pas spécialement. Vous le mettez au frigo et vous le buvez quand il a atteint 12° avec un repas ordinaire, une salade, une grillade,… Il passera très bien.

Prenons deux bistros au hasard mais pas trop : la Comète et l’Aéro. Les deux sont séparés d’une cinquantaine de mètres et servent les même bières, à savoir de la Kronenbourg ordinaire, de la 1664 et de la Grimbergen (ou de la Leffe, j’ai un trou de mémoire). Prenez en suite un consommateur de 1664, qui est par ailleurs une excellente bière. Vous le faites boire une 1664 à la Comète puis à l’Aéro. Il va trouver une différence entre les deux. Il ira même jusqu’à dire qu’elle est mauvaise à l’Aéro. Ce n’est pas du snobisme : il y a bien une différence, tout d’abord de température mais aussi de goût. Le tirage est moins important à l’Aéro donc le fut de bière dure plus longtemps et a tendance à s’éventer. Vous vous mettez de mèche avec le patron de l’Aéro et vous recommencez le lendemain. Une 1664 à la Comète, puis, vous allez à l’Aéro qui servira une Kronenbourg ordinaire dans un verre à 1664. Votre client amateur de 1664 la trouvera bonne. Vous faites dire au patron : « Oui, plusieurs clients m’ont fait des remarques, j’ai changé le fût. » De fait, il y a une différence entre les bières mais votre client la mettra sur le compte de la température et finira par dire : « là, elle est bonne, c’est quand même autre chose ! ».

Vous pouvez tester également avec la Grimbergen (ou la Leffe) mais le goût est plus prononcé alors faites le boire trois Grim à la Comète avant de changer de bistro. Il aura oublié le goût initial et acceptera d’expliquer la différence par la qualité du fût.

Je résume : on aime bien la bière fraîche quand elle est à la pression (et même en bouteille) et le froid casse le goût et j’ai mis en évidence deux phénomène. Le premier est que la bière en fût ne se conserve pas très longtemps. Ainsi, un petit bistro ne pourra pas servir assez de bières spéciales en peu de temps pour conserver des bonnes bières. Néanmoins, les usages font que la plupart des bistros proposent au minimum trois pressions : une bière ordinaire, une spéciale et une bière d’abbaye. C’est parce que les clients sont demandeurs mais c’est souvent du pur snobisme. Le deuxième est que le palais est cassé au bout de deux ou trois bières, on ne sait plus relever les différences si on n’est pas réellement connaisseur en bière.

Il y a probablement des amateurs de bière qui seront choqués par ces propos qu'ils auront mal compris. Ce n'est pas très grave. Je vais le refaire à l'envers. La plupart de ceux qui vous expliquent qu'ils aiment les bonnes bières sont comme ceux qui prétendent connaître le vin et vont finir par conchier les bons de vins de pays qui sont si agréables à boire avec des amis sur la terrasse en attendant l'heure d'aller se coucher. Alors ils vont sortir les bons Bourgogne et les bons Bordeaux (en expliquant, souvent, que les Bourgogne sont supérieurs aux Bordeaux), faire les gestes qui vont avec, goûter la première gorgée et savourer centilitre par centilitre. Ils ont raison, c'est bon. Et le reste de la bouteille va y passer sans qu'il se rende compte... Ce qui compte, c'est pourtant ce qui va avec le vin : le repas et surtout le bon moment avec la famille et les amis.

Avec la bière, c'est pire ! On ne goûte pas la bière car c'est bien la première gorgée, celle qui est si fraîche, qui est si agréable, qui vous fait apprécier le moment...

Ainsi, je n'aime pas le folklore qui va avec le vin et déteste celui qui va avec la bière. La bière est ce truc qui se boit en sortant du métro ou du bureau... De mon réquisitoire, n'allez néanmoins pas en conclure ce que je n'ai pas dit. J'aime le bon vin et les bonnes bières. Mais je vais continuer ce réquisitoire.

La plupart des gens qui choisissent tel ou tel type de bière parce qu'ils la préfèrent à une autre le font avec un certain snobisme et par habitude. Je connais des lascars qui boivent toujours de la Heineken ou de la Super Bock en bouteille. C'est un phénomène que je n'arrive pas à expliquer : si tu aimes la bière de base, tu la bois à la pression. Qu'on puisse ne pas aimer une bière ou aimer uniquement un type de bière est une chose. Par exemple je n'aime pas les bières d'Abbaye alors que certains adorent ça. Je comprends. Qu'on prenne toujours la même m'échappe, à quelques exceptions près. Par exemple, parmi les blondes légères qu'on trouve habituellement dans les bistros, la 1664 et la Carlsberg sont largement au-dessus du lot (au détail près de ce que je disais en début de billet). Certaines sont même exceptionnelles comme la Pilser Urquell.

"Une bonne bière fraîche en terrasse". Beaucoup d'andouilles vont aimer siroter une bière en terrasse, au soleil, et prendre leur temps. Je comprends ! La bière est la meilleure boisson que l'on puisse boire au bistro en dehors des repas avec le Perrier et le café. C'est bien agréable de prendre son temps, à glander au soleil. Il empêche qu'une bière s'éventer et se réchauffe. Alors passer une demi-heure au soleil avec une bière est grotesque.

Reprenons pour aller à l’essentiel.

Je parlais de la première gorgée d’une bière, en sortant du bureau ou du métro. Vous connaissez certainement le livre « la première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules » de Philippe Delerm. Il était resté en tête des ventes pendant des semaines et des semaines. Ce livre avait cartonné. Il décrit différents petits plaisirs de la vie.

Je vais recopier la partie essentielle, l’auteur et l’éditeur ne m’en tiendront pas rigueur : elles sont sur le web : « C'est la seule qui compte. Les autres, de plus en plus longues, de plus en plus anodines, ne donnent qu'un empâtement tiédasse, une abondance gâcheuse. La dernière, peut-être, retrouve avec la désillusion de finir un semblant de pouvoir... Mais la première gorgée! Gorgée ? Ça commence bien avant la gorge. Sur les lèvres déjà cet or mousseux, fraîcheur amplifiée par l'écume, puis lentement sur le palais bonheur tamisé d'amertume. Comme elle semble longue, la première gorgée! On la boit tout de suite, avec une avidité faussement instinctive. En fait, tout est écrit, la quantité, ce ni trop ni trop peu qui fait l'amorce idéale ; le bien-être immédiat ponctué par un soupir, un claquement de langue, ou un silence qui les vaut; la sensation trompeuse d'un plaisir qui s'ouvre à l'infini... En même temps, on sait déjà. Tout le meilleur est pris. On repose son verre, et on l'éloigne même un peu sur le petit carré buvardeux. On savoure la couleur, faux miel, soleil froid. Par tout un rituel de sagesse et d'attente, on voudrait maîtriser le miracle qui vient à la fois de se produire et de s'échapper. On lit avec satisfaction sur la paroi du verre le nom précis de la bière que l'on avait commandée. Mais contenant et contenu peuvent s'interroger, se répondre en abîme, rien ne se multipliera plus. On aimerait garder le secret de l'or pur, et l'enfermer dans des formules. Mais devant sa petite table blanche éclaboussée de soleil, l'alchimiste déçu ne sauve que les apparences, et boit de plus en plus de bière avec de moins en moins de joie. C'est un bonheur amer : on boit pour oublier la première gorgée. »

Qu’on aime ou qu’on n’aime pas le texte, Delerm a raison. La première gorgée est essentielle et on « y » savoure le simple fait de boire une bière. Depuis quelques temps, je finis le boulot assez tard. La première chose que je fais est d’aller au bistro ce qui, en 27 ans de métier, ne m’étais jamais arrivé quand je finissais à une heure raisonnable. Et j’y retrouve ce bonheur qui ne nécessite que deux choses : de la bière qui ne soit pas mauvaise (ben oui, je parle des bières ordinaires mais j’en connais qui sont réellement à chier) et qui soit légère…

Cela étant, pourquoi payer 4€50 un verre alors que le plaisir est le même avec 2€20 ?


Pourquoi aller dans un bar spécialisé en bière alors que la moindre brasserie peut donner ce plaisir (à part pour l’ambiance, fort appréciable, qui peut y régner) d’autant que dès la deuxième gorgée, le plaisir s’estompera… ?

21 novembre 2014

Paris à chier

"La Comète, son gros noir, son gros frisé et son gros vieux au comptoir, racontant n'importe quoi au comptoir en se foutant de la gueule des autres fientes qui les entourent, voila ce que l'on pourrait retenir de la Comète avec ses serveurs, certes sympathiques mais n'ayant rien à cirer patati patata,...".

Tel est le début d'un billet qui pourrait figurer dans l'excellent blog Paris à chier (avec le style du taulier, pas le mien) qui dézingue les bistros parisiens un par un. Sauf que la Comète n'est pas à Paris. 

Il est réactionnaire, grossier, c'est un bonheur !

Je suis inquiet. Il n'a rien produit depuis deux mois.

17 septembre 2014

Forfait bière

Un bistro japonais a eu une excellente idée...

Hop ! Traduit par Google Translate : "Le passeport d'un an aurait un tag d'environ ¥ 29,800 (US $ 280), qui, si vous buvez plus de 60 ou plus de bières au cours de l'année, est en fait une bonne affaire par rapport au projet de prix moyen de 4,75 $ Prix."

Ce qui nous fait un forfait de 280 dollars pour de la bière à volonté pendant un an (à condition de manger). Ce qui nous fait environ le coût de 80 bières par an à la Comète.

J'ignore s'il y a un maximum.

25 juillet 2014

Sans intérêt

Depuis 18 mois, je fréquente un bistro, près du boulot. J’y mange quasiment tous les midis et j’y vais le soir, quand je finis le boulot après 18h30 ou 19h et que je n’ai pas le courage de prendre le métro. Les deux patrons sont asiatiques ce qui n’a aucune espèce d’importance sauf pour un détail à la limite du racisme : c’est comme ça qu’on les reconnait parmi la masse de clients et de serveurs. Pour ma part, les serveurs et patrons me reconnaissent assez facilement, ne serait-ce qu’à la légère surcharge pondérale d’une trentaine de kilos et à la coiffure.

Quand je deviens habitué d’un bistro, j’y suis donc rapidement repéré par les serveurs et les patrons qui connaissent mes habitudes, sauf dans ce bistro, à part une « serveuse en salle » et les deux « loufiats du comptoir ». La demi-douzaine d’autres andouilles qui bossent là en présence des clients m’énerve prodigieusement. Tous les jours, je suis accueilli comme si je venais pour la première fois avec des formules de politesse standard. Pas grave.

Je m’étais déjà pris le chou avec un des deux patrons, celui qui n’est jamais présent le soir (et que je connais donc le moins, dans la cohue du midi, on n’a pas le temps de papoter). C’était donc pour payer mon déjeuner, ma carte ne passait pas. Le machin disait « code faux ». Comme j’étais sûr de moi, j’avais essayé quatre fois (au bout de trois fois, ma carte aurait dû être bloquée, le quatrième essai n’aurait pas dû être possible). Etant du métier, j’ai assez rapidement conclu à un problème du matériel doublé à un bug du logiciel.

Comme cela n’a strictement aucune importance et que je n’ai pas fait de billet ici depuis longtemps, je vais vous expliquer. Regardez la puce de votre carte bancaire. Elle est décomposée en plusieurs parties. En fait, ces parties sont là pour faire « des contacts électriques » avec une petite griffe dans le terminal qui va s’abaisser quand vous poussez la carte au bout, par effet de levier. Une zone de la carte est associée à un contact. Hop ! Vous allez devenir spécialiste… Ma carte fonctionnait bien au début. Le serveur tapait le montant, introduisait la carte, le terminal lisait la carte puis demandait le code. Jusqu’à là, tout va bien. Le serveur me tendait le terminal et je saisissais mon code. Le terminal demande à la puce si le code est bon et le terminal affichait « code faux, recommencez ».  Il y avait trois solutions : soit le code que j’avais tapé était réellement mauvais, soit la puce répondait à tort que le code est mauvais, soit le terminal était parti en couilles.

Je vous ses très attentif, voire hors d’haleine, d’autant que vous vous demandez où je veux en venir avec mes patrons asiatiques.

Toujours est-il que j’ai supposé, après le premier essai, que j’avais tapé un mauvais code. J’ai recommencé une deuxième fois en faisant attention. J’étais sûr de moi. Code faux à nouveau. J’ai enlevé la carte et recommencé (ben oui, si j’avais oublié mon code, j’étais baisé, de toute manière). Code faux, encore. Dans le doute, je fais une quatrième tentative, le code ne passe pas mais la carte aurait dû « s’auto-bloquer » à la troisième… Elle ne l’avait pas fait. Ce n’était donc pas elle qui avait répondu « code faux » mais le terminal. Comme il fonctionnait bien les jours précédents, il ne pouvait s’agir que d’un problème matériel et je suppose qu’un des contacts déconnait.

Nous voilà à mon patron ! Comme cela ne fonctionnait pas, j’ai dit au serveur qu’il fallait essayer avec un autre terminal. A l’époque, il me connaissait moins que maintenant. Le patron est donc arrivé, je lui explique mon truc. Il ne me croit pas. Je lui dis que je suis du métier et que je voulais un autre TPE. Il finit par accepter, ma carte passe, je lui dis « vous voyez ». Il aurait du répondre « ah oui, désolé Monsieur » mais a continué à me regarder de manière suspecte comme si j’avais essayé de partir sans payer ou faire une autre escroquerie.

Je n’ai pas aimé. C’est ainsi que j’ai commencé, à mon tour, à me méfier du personnel de la boutique, en dehors des deux loufiats du comptoir (la serveuse dont je parlais est arrivée ensuite).

L’autre patron m’intriguait plus car je le voyais presque tous les jours et ne m’adressait jamais la parole, pas le moindre bonjour, ou le « ah mais qu’est-ce qu’il fait chaud aujourd’hui » ou ce genre de connerie. Ceci m’allait très bien, d’ailleurs, je ne vais pas tout seul au bistro pour discuter. Mais je ne comprenais pas.

J’arrivais, le soir, le loufiat me disait bonjour (il a vite compris que je prenais toujours une bière donc ne prenait plus la peine de prendre la commande). Quand la serveuse en question passait dans le coin, elle me saluait, mais jamais l’autre serveuse, celle qui est responsable de la boutique après le départ du patron du soir, et jamais ce dernier.

Avant-hier midi, je sors du bistro et croise la serveuse aimable qui était juste à côté de ce patron. Elle me dit bonjour, je lui réponds « bonjour, à ce soir ! », elle me dit « oui, à ce soir ! »… Et le patron dit « ah ce soir monsieur. » C’était la première fois en dix-huit mois qu’il m’adressait la parole. J’étais surpris.

J’arrive, le soir, vers 19 heures, il me salue à nouveau et sort une banalité d’usage, du genre : « ca y est, la journée est terminée » ou « il fait moins chaud qu’hier, non ? » voire, plus intime : « alors, bientôt les vacances ? ». Ce à quoi j’ai répondu : « oui un demi s’il vous plait ». Je suppose.

Hier soir, pareil.

J’en ai tiré la conclusion qu’avant que la serveuse me dise « à ce soir », il ne m’avait pas repéré. 18 mois…



29 juin 2014

La coupe du monde du ramadan

L’angoisse me prend toujours quand je sors le dimanche soir à Bicêtre : trouverais-je un bistro ouvert ? Finalement, trouver tous les bistros fermés ne m’est arrivé qu’une seule fois, quand j’avais pris un train pour revenir de Bretagne à une heure assez tardive. Ce soir, j’étais assez confiant : c’est le Ramadan. De fait, l’Aéro était ouvert mais avait très peu de client. Je suis parti rapidement… Au PMU, ils regardaient le match Hollande Mexique. Je suis resté. Les Pays-Bas ont gagné, suite à un pénalty et à un but dans les dernières minutes, ce qui m’a permis de faire quelques Tweet, comme Yann Galut (ce que j’ai découvert après), sur la méthode Hollande.

Faut bien rigoler.

Dès la fin du match, le patron du PMU s’est arrangé pour que tous ses clients partent, sauf moi. C’était étrange. Il n’arrêtait pas de me dire : « prends ton temps ». De fait, je n’étais pas pressé.

Récemment, Marine Le Pen a lancé une polémique : il faut que ceux qui ont une double nationalité, française et algérienne, choisissent. Ce qui équivalait à dire que les algériens qui soutiennent leur équipe de foot doivent foutre le camp. C’est ignoble. Le Point a lancé un sondage idiot pour voir qui lui donnait raison puis l’a vite retiré, se rendant compte à quel point il était raciste. Ca a fait polémique cette après-midi mais je ne suis pas dans mon blog politique et je m’en fous. J’étais dans le train et n’avait rien de mieux à faire que de suivre les tweets.

J’ai vite compris que le patron voulait discuter avec moi. Ou, plus précisément, en avait marre de ses clients algériens qui foutaient la merde et de tous les gens qui s’intéressaient au foot, alors que je m’y intéresse uniquement pour le côté « fête populaire ».

Il m’a donc demandé si objectivement le Mexique méritait sa défaite ou, au contraire, ils avaient largement mieux joué, ce qu’il pensait. Il a encore à nouveau assez vite compris que je n’étais pas le meilleur pour juger.

Toujours est-il que j’ai fait deux bistros « algériens » ce soir, et que la coupe du monde de football semble foutre la merde dans le ramadan : pas de client.

C’est étrange.

Je suis rentré à 20h30. Tous les bistros étaient fermés. En période de ramadan et de coupe du monde. Alors que tout le monde devrait faire la fête.

04 juin 2014

Publicité : le KB au Kremlin-Bicêtre

Il y a quelques mois, je relatais l’ouverture d’un nouveau restaurant, entre chez moi et la Comète. Je m’en réjouissais, évidemment, mais me demandais quand j’allais pouvoir y venir, bossant à l’autre bout de Paris :

Ce soir, je rentre de la Comète vers 22h45, je passe devant ce truc et le patron m’alpague. Je vous connais patati patata me dit-il. Puis-je vous offrir un verre ? Vous me connaissez, je ne voulais pas le vexer. Me voila donc assis en terrasse. Il y avait huit ou dix personnes. Je me rends compte assez rapidement qu’ils ne sont que des bobos, ce qui n’est pas un reproche, gagnant moi-même plus que la moyenne.

Respectant les usages, je commande une deuxième bière (j’avais passé la soirée à la Comète, ce n’était donc plus la soif qui m’animait, d’autant que j’avais vraiment faim et qu'il me tardait de rentrer à la maison). Les bobos bototaient, je participais par politesse. Je discute avec le patron, il me tutoie, je le tutoie, nous sommes les meilleurs amis au monde.

Il n’empêche que l’heure tourne ! Il est temps que je rentre à la maison après cette sympathique demi-heure en terrasse de la plus célèbre avenue du monde, la célèbre Nationale 7 qui nous mène de Bicêtre à Menton.

Il rentre dans sa boutique, fait des calculs divers et variés. Le tout dure deux ou trois minutes et il revient vers moi. Il m’annonce l’addition : 8€80.

Cela nous fait 4€40 la bière si je compte bien, ce qui est hors de prix dans le quartier, mais, en plus, il a fallu que je paye le verre que le patron m’avait fait croire qu’il m’offrait.

C’est finalement à mourir de rire : ce  type ouvre un commerce et arrive à se mettre à dos le plus gros client de ce genre de commerce dans le quartier en quelques minutes de discussion. Il va couler et c’est bien triste.

Un crétin qui me facture 8€80 alors que je pensais payer 3€ mérite de crever.

12 mai 2014

Dimanche soir

Le dimanche soir a toujours été une soirée particulière. Je me rappelle quand j’étais petit, on regardait un film sur la première chaine vers 17h30 ou 18h avec mon père et, peut-être, mon grand frère. Près de 40 ans après les souvenirs sont vagues… La famille attendait la fin pour que l’on puisse passer à table…

Les années ont passé. J’ai atterri au Kremlin-Bicêtre. La Comète fermait à 19 heures, on rentrait à la maison. Les patrons ont changé, en 2008, et le dimanche soir est devenu un soir comme les autres, mais avec beaucoup moins de monde, des soirées intimes entre proches. La meilleure soirée de la semaine.

Puis la Comète a commencé à fermer le dimanche vers 18 heures. Alors, on allait dans d’autres bistros ou à rentrer de bonne heure. Il y a quelques mois, j’ai pris l’habitude d’aller dîner au Constantinople quand les autres en question étaient fermés.

Il reste que les clients du dimanche soir ont peu d’intérêt. Des raclures diverses. Les copains ne sont pas là à part Ramdane et le vieux Joël.

Les week-ends que je passe en Bretagne sont un peu particuliers. Normalement, je pars de Loudéac vers 14 heures et j’arrive à 19 heures. L’Aéro ou le PMU sont ouverts et je vais y boire un verre avant de rentrer mais il y a peu d’intérêt. Les clients sont des vieux pochetrons qui ont passé leur journée là ou des ex racailles de banlieue qui se lâchent ! N’allez pas penser ce que je n’ai pas dit. Je les aime bien mais je ne suis pas dans l’ambiance, à part avec Ramdane et le vieux. Je rentre de Bretagne, je veux être peinard… En fait, ça fait des années que ça dure. Pendant un temps, assez long, je rentrais en voiture. Depuis un an ou deux, c’est en train, mais ça ne change rien. Je n’aime plus cette ambiance quand je n’ai pas passé le dimanche à Bicêtre, déjeuné à la Comète, fait la sieste, vaqué à des trucs divers et retrouvé le bistro, vers 19h ou 20h et rentré une heure après. Ou deux heures. Ou trois heures.

Je crois que je suis susceptible. Quand j’arrive au bistro, le dimanche soir, les gens se foutent bien de savoir si j’ai passé le week-end en Bretagne ou à Paris, sauf Karim, à l’Aéro, qui sait que s’il ne m’a pas vu le samedi soir, c’est que je n’étais pas dans le coin. Son ex-femme étant Bretonne, il est « envieux » de me voir y aller souvent. Pour ces braves gens, c’est : « tiens ! voila Nicolas ». Pour moi, cela n’a rien à voir si je sors de la sieste ou du train… Si je sors du train, c’est que je change de monde.

Toujours est-il que cela fait deux fois de suite que je ne réussis pas à avoir une place dans le trains qui me fait partir de Loudéac vers 14 heures pour arriver à 19 heures et que je me rabats sur le suivant qui me fait arriver vers 22 heures. La dernière fois, j’en avais fait un billet, j’étais arrivé à Bicêtre, tout était fermé, et je m’étais décidé à aller faire un tour dans une nouvelle brasserie à Villejuif. Toute neuve ! Une ambiance différente…

Ce soir, j’y suis allé directement. J’ai pensé quelques secondes à m’arrêter à Bicêtre. Je n’avais pas eu de chance avec mes deux métros. Deux fois 8 minutes d’attente. A ce sujet, il faudrait que j’engueule la RATP… et la SNCF. J’étais en voiture 17. Arrivé à Montparnasse, il faut plus de 10 minutes pour rejoindre le métro à pied, puis attendre le métro, puis marcher 5 minutes Place d’Italie puis attendre à nouveau…

Mon métro arrive à Bicêtre. Je n’avais pas envie de tomber sur des bistros fermés ou remplis des vieux ivrognes habituels. J’ai foncé à Villejuif.

Contrairement à la fois précédente, je n’étais pas le seul au comptoir. Il y avait deux groupes de trois ou quatre personnes qui étaient peinards et une vingtaine de clients en salle qui dînaient. A 22 heures… A moins de 500 mètres de la Comète, un autre monde. C’est étrange.

Je m’installe. J’étais bien. Ambiance décontractée, fond musical léger, un peu comme si Conchita était en charge de la programmation musicale. La croisière s’amuse, quoi !

Une heure après, les derniers clients partaient, je voulais les suivre. Un serveur me fait signe : il y a le temps…

J’ai pris le temps.



30 avril 2014

Ce soir, c'est baston !

Je suis arrivé en retard au bistro, ce soir. J’ai honte mais j’avais du boulot. Je suis arrivé vers 20h45. Les clients, serveurs, copains, étaient en émoi. Pas parce que je suis arrivé tard, d’autant que je suis parti vers 9h10, ce matin, ce qui avec deux heures de transport me fait une journée raisonnable, mais parce qu’il y a eu un événement à la Comète. Ils étaient excités comme des puces et j’essaie de reconstituer la réalité d’après leurs propos.

Il y avait deux clients que l’on pourrait qualifier de noirs en stage à la RATP si ce n’était pas discriminant (mais pourtant rigoureusement exact, une couleur et un uniforme se cachent assez difficilement). Au moment de payer ce qu’ils devaient leur addition, ils se sont rendus compte qu’ils n’avaient pas d’oseille et ont donc porté connaissance de ce fait à l’aimable mais un peu gros personnel de la maison qui n’a pas apprécié d’être mis devant le fait accompli. L’une des andouilles ayant posé sa sacoche sur le comptoir, le loufiat l’a prise et l’a mise derrière en leur disant d’aller chercher du pognon.

Les connards étaient bien emmerdés et sont partis à la quète d’argent. Ils sont revenus dix minutes après avec des billets neufs et ont payé. JC leur a rendu la monnaie.

Au fait, Nelly et Mathieu, faites comme si vous n’étiez pas au courant, hein ! Laissez pépère vous raconter s'il a envie. 

JC leur a rendu la sacoche. Un des deux l’a ouverte et a commencé à crier comme quoi on avait piqué son téléphone portable caché dedans. Il a fait une scène qui était visiblement répétée à l’avance et ont foutu la merde dans la boutique. Il parait que ça a duré dix minutes. Des clients ont fini par se lever pour leur demander d’arrêter de leur casser les couilles mais ça n’a pas suffit. JC a fait ce qu’il avait à faire parce qu’il n’avait pas le choix : il a appelé nos valeureuses forces de l’ordre qui ont mis plus d’une heure à arriver ce que je conçois assez bien, ils ont mieux à foutre que de gérer les conflits dans les bistros.

Quand elles sont arrivées, ce petit monde a recommencé à s’engueuler, les deux imbéciles gueulant parce qu’on leur avait piqué leur portable dans la sacoche. L’un d’entre eux a fini par sortir un couteau et a menacé JC devant les gentils policiers qui étaient probablement pétés de rire.

Ils ont donc conciliabulé et proposé aux deux cons de porter plainte pour vol de portable et à JC de porter plainte pour menace avec une arme de blanche devant les forces de l’ordre ce qui a été fait civilement en bon uniforme.

Je regrette d’avoir loupé ça, pour une fois qu’on rigole au bistro. Et j’imagine la tronche des stagiaires de la RATP quand ils verront demain qu’ils ont mis à pied car celui qui avait la sacoche a appelé, avec le portable de l’autre, sa chef pour tenter de prouver sa moralité et lui a passé JC qui a tout raconté à sa chef.


Le travail précaire n’est pas toujours facile.

27 avril 2014

La casse-couilles au comptoir

J’étais tranquillement assis au comptoir du 1880 depuis 20h45. Le bistro était à peu près vide. Un table occupée dans le salon, une dans la salle. Trois ou quatre locdus au comptoir. La soirée omettait d’être longue. Mon pote Gilles étant sorti la veille ne bougerait plus de chez lui. Serge n’étant pas là, j’étais sûr qu’il était tombé dans un traquenards dans un autre bistro. Il allait arrivé défoncé vers 22h30 et j’allais être obligé de l’envoyer chier pour avoir la paix. Quand il est à jeun, il sait que je ne le supporte pas quand il a bu (et pas moi...).  

Vers 21h, un couple d’une quarantaine d’années se pointe avec un môme d’une dizaine. Ils font le tour du bistro en parlant fort comme s’ils l’inspectaient, se demandant où s’installer. Ils finissent par se poser au comptoir à côté de moi. J’ai vite compris que c’était un con. Il sortait un tas de banalités, tutoyait la serveuse qu’il ne connaissait pas, ... Ils avaient visiblement déjà bu auparavant mais ils en étaient au stade de la cuite où l’on ne le reconnaît pas. On parle un peu plus fort et distinctement pour éviter que les autres voient le début d’ébriété ou, plus probablement, pour se persuader soi-même qu’on tient toujours le coup. Du genre : non, il n’est pas possible que je commence à être saoul après deux apéros et une demi bouteille de vin en mangeant. Non, mon canard, tu n’es pas saoul, tu as une légère ébriété. C’est pour ça que la gendarmerie nous déconseille de prendre plus de deux verres.  

Ce phénomène de déni de cuite est un truc que l’on observe surtout chez les buveurs occasionnels qui ont été très fêtards dans leur jeunesse.  

Toujours est-il qu’au fil de la soirée, j’ai fini par comprendre qu’elle était de Loudéac mais n’y habitaient plus. Ils étaient probablement en vacances chez ses parent et s’offraient une sortie pour le samedi. Le môme n’était probablement pas son fils à lui.  

Ils étaient au comptoir à côté de moi. Il prend une bière. Elle prend un verre de blanc. C’est à ce verre de blanc que j’ai compris beaucoup de choses. L’expérience du comptoir. Le raisonnement : ils arrivent au bistro à 21 heures avec un gamin donc ils ont déjà dîné et elle boit du blanc après diné, ils sont donc là pour s’alcooliser, surtout elle. Je n'ai rien contre le blanc mais une femme qui boit du blanc à 21 heures dans un bistro de Bretagne alors qu'elle n'est pas en fête avec des copines, a forcément quelque chose de louche. Elle retrouve un ancien alcoolisme qu'elle avait avant de se ranger. Tiens ! Rien que le fait de ne pas boire de bière (alors qu'elle avait dit qu'elle aimait ça) est un signe qui ne trompe pas. Elle boit du blanc par défaut, parce qu'elle ne sait pas quoi boire mais elle ne sent pas la force de ne pas boire une bière. Ce qui est complètement con : il y a moins d'alcool dans un verre de 25cl de bière à 5° que dans un verre de 14cl à 12°. 

Le gamin part faire un tour. Je crois me rappeler qu’il regardait deux joueurs de fléchettes. Les vieux discutent entre eux mais sur un ton à peu près normal, cette fois, mais des propos idiots, des futilités, ce genre de truc qu'on peut raconter quand on est en début de cuite dans un bistro qu'on a connu il y a vingt ans. 

A les écouter, je comprends que ce n'est pas lui qui est con. Il subit. Il essaie de déconner mais elle est dans son truc, tentant peut-être de retrouver les cuites de sa jeunesse. 

J'étais plongé dans mon iPhone à faire je ne sais plus quoi et j'entends la fille dire : "le monsieur au fond, c'est le fils de mon premier prof de math." Je ne réagis pas, je n'étais pas au fond mais à côté d'eux. J'ai cru avoir compris de travers et qu'elle avait dit quelque chose comme : "la serveuse, c'est la petite fille de mon premier prof de math". Je finis par me dire que j'étais probablement le seul à savoir qui est le grand-père de Cécile et qu'il était collègue à mes parents. Et la dame décrivait des habitudes propres à mon père. Je regarde la dame et lui demande gentiment : "Heu, je viens de réaliser que vous parliez de moi ?". Oui, me dit-elle, vous êtes bien... Oui oui. 

En aparté, vous remarquerez que c'est le second samedi de suite où j'entends parler de mon père, la fois précédente c'était dans Facebook. 

Le type finit par se barrer pour aller jouer au babyfoot avec le môme. Elle s'empresse de commander un autre verre de blanc. Elle s'adresse à moi qui tripotait mon iPhone : "Heu, c'est quoi, c'est Candy Crush ?" J'étais bien tombé sur une casse-couilles, la vraie. Elle voulait la cuite de ses vingt ans, quand on s'adressait à un mec au hasard au comptoir pour discuter et raconter des conneries. 

Je réponds poliment et elle tente d'entamer une vraie conversation : tu sais, moi, je ne joue pas mais... Je ne l'écoutais pas et elle a vite compris que mon jeu sur iPhone était plus important que ses propos. 

Elle laisse tomber, la soirée se poursuit. 

Mon pote Serge arrive. J'avais deviné. Saoul et casse-burnes aussi. Cela tombait bien, il connaissait la fille. Il avait fait du sport avec si j'ai bien compris. Ils discutent ensemble. J'étais sauvé ! Cela dure quelques temps, mais Serge a la mauvaise idée de payer une tournée à eux deux et à moi. Je n'avais pas envie de boire un coup avec ces gens et surtout pas de l'offrir un verre, en retour. Je finis par discuter avec Serge pour casser le groupe en deux mais il était trop chiant, je lui ai payé une bière et je suis passé à autre chose. 

Et paf ! A un moment, elle se retrouve toute seule, les autres étaient partis jouer aux fléchettes avec le petit, je crois bien. Elle se retourne vers moi : tu fais quoi comme boulot tu bosses à Loudéac. Interrogatoire en règle. Je réponds par politesse mais pas plus de deux ou trois mots chaque. Au bout d'une trentaine de secondes, elle me dit : "ah mais si je t'embête tu me dis, hein !". Moi : "voila, je n'ai pas envie de discuter." 

Serge revient. Elle lui dit quelque chose à l'oreille. Serge ne pense pas que je puisse écouter et répond : "ah ben c'est Nicolas, il est comme ça".  

Moi : ben oui, c'est comme ça, je n'aime pas discuter avec les espèces de pochardes. 

Elle faisait la gueule. C'est étrange.