07 octobre 2025

Adieu Philippe !

 


J’ai appris la mort de mon copain Philippe. Il allait avoir 65 ans le 23 de ce mois, il me semble. Je n’en sais pas plus. Je l’ai connu en 1980 et on s’est perdus de vue une vingtaine d’année plus tard. On s’est retrouvés dans les réseaux sociaux (Twitter et Facebook) mais on ne communiquait pas. Tous les jours, en likant les tweets où je diffusais mes billets de blog, il me rappelait qu’il était là, comme une sorte d’ange gardien. Je n’ai jamais su s’il appréciait mes billets ou s’il ne faisait que me saluer.

Politiquement, nous n’étions pas éloignés (mais la politique n’était pas au cœur de nos relations). C’est un peu lui, tout de même, qui a provoqué mon affirmation publique pour ma chose du même métal. En 1990, il m’appelait « le jospinien ». Non seulement, j’étais souvent d’accord avec celui qui était ministre de l’Education nationale mais, en plus, il parait que j’avais une réelle ressemblance physique avec lui (les lunettes, la coiffure…).

Parfois, il m’appelait Jegoun ou yegoun pour se foutre de certains de mes « traits juifs » comme, par exemple une radinerie à l’excès dans certains cas alors que j’étais déjà flambeur pour les sorties ! J’ai déjà raconté comment mon pseudo sur le web était devenu « jegoun » (njegou était déjà pris quand j’ai créé mon premier compte chez Wanadoo) mais l’ombre de Philippe planait au-dessus de moi…

 

Quand on s’est connus, j’avais 14 ans. J’étais membre de la section locale d’une association, à Loudéac. Lui était jeune responsable dans la section de Lannion. Nous nous voyions à l’occasion d’activités départementales, notamment pendant des séjours de vacances à Pâques et à l’été. Dès l’été 1980, il nous avait à bonne, avec Dominique. Progressivement, les copains de Loudéac, Gilles et un autre Philippe, puis le jeune Marc, se sont joints à nous. Il a commencé à vernir de plus souvent à Loudéac, faire la fête avec nous, notamment pour les réveillons et il s’était lié avec les autres personnes de la bande.

La fête ? Même si j’avais commencé à boire quelques bières avant, j’ai pris ma première vraie cuite à 17 ans, pendant les vacances de Pâques, alors qu’il était directeur d’un de nos séjours. N’y voyez pas de mal, au contraire ! Il se doutait bien que des loustics comme nous n’allions pas tarder à faire le mur pour picoler alors il préférait nous garder près de lui pour nous surveiller. C’est un des principes éducatifs que j’ai appris de lui quand j’ai pris des galons dans l’association, non pas d’encourage la boisson, mais de faire semblant d’ignorer les conneries des mômes pour leurs éviter de faire des conneries plus graves. Par exemple, s’ils fumaient en cachette dans les chiottes, je faisais semblant de ne rien voir pour qu’ils n’aillent pas mieux se cacher, voire faire le mur.

Ainsi, nous avons « grimpé » les échelons de l’association. Je crois qu’il a été responsable du groupe de Lannion, responsable départemental et membre de l’échelon régional. Quant à moi, je suis devenu trésorier départemental puis régional et surtout directeur adjoint de gros centres de vacances puis directeur. Il a toujours été à mes côtés, comme une espèce d’éminence grise. Je prenais une responsabilité, il s’arrangeait pour être près de moi, il se désignait, par exemple, comme responsable du matériel. Un protecteur.

Tout ça s’est terminé en 1996, pour moi, quand j’ai quitté les instances autres que locale de l’association. Lui a continué. Par la suite, nous sommes partis quelques fois en vacances ensemble, avec Gilles mais tout s’est terminé au bout de peu de temps. Nous retrouver dans l’association nous « fédérait ». Parallèlement, nous avons eu nos carrières professionnelles. Lui a obtenu une mutation de Paris à Lannion et, moi, j’ai commencé à revenir au bled de moins en moins souvent car je n’y étais plus appelé par des activités associatives.

Ainsi va la vie.

 

Mais reprenons quelques années avant.

Au début des années 80, je crois, il a passé un concours de la fonction publique et est « monté à Paris ». Pour ma part, j’ai eu mon bac, fait le minimum d’études puis ai fini par trouver un emploi à Paris. Il m’a alors pris sous son aile, m’a fait découvrir la capitale, a partagé avec moi ses loisirs et surtout son goût pour les petits restaurants sympathiques…

Pascal (que j’avais connu par la même association et qui était proche de Philippe) se joignait souvent à nous mais nous n’avions pas les mêmes goûts en matière de restauration, il préférait quand nous allions chez Chartier ou quand ce n’était pas son tour de payer – je n’ai aucune nouvelle de lui depuis cette époque.

Nous allions souvent à des concerts. Pascal était un fan de Jonathan Richman (et il m’avait fait partager son vice bien avant mon arrivé à Paris, dès 1984, je crois). Il nous a emmené deux ou trois fois le voir au New Morning. Quant à moi, je les avais trainés à un concert de la Mano Négra, à l’Olympia. C’était fabuleux. Un des plus grands groupes français de l’époque dans cette salle mythique ! Deux heures et demie de prestation non-stop… (le tout pour 65 francs, autant dire rien).

Pascal était un peu plus âgé que Philippe, il avait donc près de dix ans de plus que moi mais il m’a toujours eu à la bonne dans le cadre de l’association. Il n’empêche que, à part certains groupes musicaux, nous n’avions pas grand-chose en commun. Politiquement, il était de gauche mais très fermé, se fâchant dès que nous n’étions pas d’accord. Alors, quand Philippe a quitté Paris, nous avons arrêté de nous voir. Mais ça montre aussi à quel point Philippe était fédérateur ! Et c’est grâce à lui que je suis resté en contact avec plein de copains.

 

Les restaurants ! C’était donc son dada. Je me rappelle quand on encadrait des centres de vacances et quand un pique-nique était prévu pour les mômes, nous trouvions toujours des prétextes pour nous éclipser et finir autour d’une bonne table. Nous avions à peu près les mêmes goûts genre « bistro français pas trop cher mais de qualité » mais c’est surtout lui qui me poussait (j’étais plutôt du genre à trainer au comptoir ou à organiser des bouffes à la maison) mais il n’avait franchement pas à me pousser… Quand il a quitté Paris, nous nous voyions surtout en Bretagne et toujours avec une bonne bouffe comme prétexte quand on était hors du cadre associatif.

Le « pas trop cher » a vite fini par être une notion relative. Nous n’avions pas les moyens de nous offrir des étoilés mais on ne rechignait pas à quelques extras… Je me rappelle un déjeuner au « Grand Largue » à Port Navalo ! C’était géant avec des huitres chaudes au caviar en entrée par exemple. Je me rappelle le montant que j’avais dû payer (nous alternions) : 977 euros. Bah ! Vous me direz que ce n’était que 75 euros chacun mais c’était il y a près de 40 ans et nous n’avions pas des salaires spécialement élevés. Je me rappelle même qu’il avait donné un billet de 100 francs, en pourboire ! Cela me paraissait délirant. C’était Philippe…

 

Enfin, on ne peut pas faire de billet sans évoquer sa tenue vestimentaire : il était toujours en costume, généralement noir, avec une chemise en soie (ou imitation), même quand nous étions dans des centres de vacances à faire des activités manuelles avec des gamins. Souvent, il avait une longue écharpe rouge. Je n’ai jamais compris pourquoi il ne s’habillait pas comme les autres (shorts, jeans…) mais il avait une certaine classe et, parfois, ça ne manquait pas de piquant, comme pour nos réveillons quand il mettait un ridicule chapeau triangulaire…

Pendant les centres de vacances, il était connu pour l’organisation de grands jeux, sur une journée, avec une cinquantaine de gamins à la recherche d’indices, de points… dans les bois ! Tout le monde courrait dans tous les sens. Les autres animateurs (dont moi…) ne comprenaient absolument rien aux règles mais les mômes étaient à fond de dedans. Il gérait ainsi presque tout seul et avait toujours prévu une longue montée en charge de l’intensité du jeu.

Une année, en 1985, je crois, il avait décidé que ma 2CV servirait « de prison ». Je pense qu’on arrivait à y faire monter une quinzaine de gosses qui sautaient dans tous les sens pour vérifier les suspensions… J’étais le seul inquiet.

 

Ne dites rien à mes parents, hein !

 


Et mes pensées à ses parents et à ses proches. 

Voila une publication qu'il ne likera pas. Moi non plus.


L'association était les Eclaireuses et Eclaireurs de France. J'avais horreur du foulard et ne le portait jamais. Il s'en séparait rarement "en activité" ce qui fait qu'il le portait par dessus son costume. Qu'est-ce qu'on a pu se foutre de sa gueule.

 

P.S. : ne voyez pas de tristesse dans mes propos (ça serait faux-cul, je ne l’ai pas vu depuis si longtemps !). Simplement de la nostalgie pour une autre époque, près d’un tiers de ma vie. Des souvenirs d’un mentor.

 

3 commentaires:

  1. Te lire m’a plongée dans la même nostalgie, le souvenir des réunions au "local", des randonnées du dimanche et autres jeux de piste et
    bien sûr les camps d’été à la montagne avec la cuisine "dégueu" cuite au feu de bois, les grands rassemblements scouts et guides etc.
    (J’adorais mon foulard bordeau et bleu et tous mes insignes.)
    Hélène

    RépondreSupprimer
  2. Rien à te dire sinon que tu as mon soutien amical total. C'est dur. J'ai perdu ma tante (la maman de mon parrain) y a 10 jours. Et le président de ma promo, un ami proche qui avait mon age, en début d'année.

    Ton billet est beau. Mais on est pas préparé pour les départs de ceux qu'on aime. Tu le sais, tes parents ne sont plus là.
    Ton ami du Gard pense à toi. Parce qu'après y a ceux qui restent...

    Bon courage

    RépondreSupprimer

La modération des commentaires est activée. Soyez patients !