14 avril 2024

La cuisine de maman


 

Tout le monde a des souvenirs des « petits plats » de sa jeunesse, souvenirs qui peuvent être bons, mauvais ou mitigés (je vais m’expliquer), généralement préparés par la « maman » (ceci n’est pas un billet féministe), souvent par la grand-mère, pour ce qui me concerne. Je me rappelle le vieux Jacques qui disaient souvent que les endives au jambon de sa mère étaient fantastiques, tout cela restant évidemment subjectif ! Madame Maman Jacques faisait sans doute les endives au jambon « comme tout le monde » et pépère se rappelle plutôt l’ambiance à table, je suppose…

Moi, par exemple, j’ai un souvenir extraordinaire des moules et des langoustines que ma mère me faisait souvent le vendredi soir quand je rentrais de Paris et que nous dinions tous les deux, en tête à tête (ce qui, d’ailleurs, ne date pas de l’enfance mais s’est arrêté lorsque j’avais 52 ans…). C’est à un point que je n’ai jamais vraiment eu envie de m’en faire, pour moi tout seul, surtout que je n’en ai jamais mangé de bonnes hors de cette table familiale. Dans le même ordre d’idées (et toujours le vendredi soir mais plutôt en famille depuis la nuit des temps), il y avait les « pompidous » (j’ignore d’où vient ce nom, je crois que c’était plus du côté des parents de mon père), des doubles galettes, proches des complètes, où le bacon remplace le jambon !

De fait, je ne vais presque jamais dans des crêperies ou des « Léon de Bruxelles, haïssant les restaurants de « moules frites » (ce n’est pas que je n’aime pas cela mais ce n’est pas du tout dans la tradition de chez nous et j’ai l’impression de braver interdit ! En outre, le seul Léon de Bruxelles que j’ai essayé, à Montparnasse avec ma sœur et mon beau-frère, il y a sans doute plus de trente ans, m’avait dégoûté tellement c’était mauvais).

 


Les meilleurs souvenirs que je garde sont des choses qui ont malheureusement disparu (de ma table). Je peux citer les coquilles Saint Jacques et les soles. Un de mes oncles péchaient des coquilles dans la baie de Saint Brieuc et nous en mangions « des seaux », des ventrées de ces noix juste passées à la poêle avec du persil et d’ail. Quant aux soles, c’est mon père qui les pêchait dans le golfe du Morbihan et nous en mangions presque tous les jours, l’été ! Préparées au plus simple, c’était un bonheur de les retrouver dans nos assiettes, de couper le bord puis de lever les filets…

Indépendamment des souvenirs familiaux, il faut tout de même admettre que c’est drôlement bon ! Si j’ai arrêté d’en manger, c’est surtout parce que c’est devenu hors de prix (surtout par rapport à l’époque donc je parlais vu que nous ne payions pas les soles et les coquilles revenaient à une bouchée de pain).

 


Parmi les nectars disparus, il y avait les platées de spaghettis bolognaises que l’on mangeait en famille. Cela n’a sans doute rien d’exceptionnel mais je garde un souvenir incroyable de ces repas où nous gavions, littéralement…

Ils ont disparu le jour où ma mère a commencé à les faire avec des pots de sauce bolognaise (avec la viande) qu’elle achetait dans les supermarchés plutôt que de tout faire elle-même, hachant des restes de viande, les faisant revenir avec la sauce tomate (et je crois qu’elle ne mettait pas d’oignons vu que mon père n’aimait pas ça). Je crois que la rupture a eu lieu avant mes dix-huit ans. Sa « recette secrète » s’est évanouie.

 

Parmi les excellents souvenirs, il y a aussi les mets que j’essaie de reproduire, à l’occasion (je fais des choses très bonnes mais je ne retrouve pas les sentiments). Je ne vais en citer que trois : les restes de viande blanche préparés avec du curry (c’est plus ma grand-mère qui les faisait, le midi), le rôti de veau à la cocotte avec des pommes de terre et les pommes de terre au beurre…

Il y avait évidemment un tas de choses très bonnes, au menu, même si la gastronomie n’est pas vraiment bien ancrée en Centre Bretagne. Un seul autre exemple : le pot-au-feu. Je le cite parce que je n’ai plus l’occasion d’en manger qu’au restaurant où il est préparé comme si c’était un sommet de la gastronomie française alors que ça n’est qu’un plat de pauvres et que tout tenait dans la présentation.

On mangeait même des endives aux jambons qui étaient fantastiques… Et d’autres choses, comme le fameux poulet rôti du dimanche et, un truc que j’aimais bien, les bigorneaux, dans un tout autre registre voire le hachis parmentier de ma grand-mère (elle mélangeait la viande et la purée, c’était le bonheur !).

 


Au centre des orgies, de moules, de spaghettis, de pommes de terre au beurre, de langoustines, il y avait la cocotte (minute, bien sûr, nous sommes dans les années 70 et 80) qui était déposée au centre de la table car il n’y avait pas de plat suffisamment grand pour contenir toute la pitance.

Je crois que SEB a bien contribué au folklore familial (et donc aux souvenirs, et ce même si on n’utilisait pas la pression pour cuire ces machins).

 


Je parlais de souvenirs mitigés. Il y avait, par exemple, dans les jours qui suivaient le pot-au-feu, les assiettes de soupe : un jour le bouillon avec les légumes, un jour sans, un jour avec des vermicelles, l’autre du tapioca et, enfin, les restes des restes mixés. Et les autres soirs d’hiver, il y avait des soupes plus simples. J’aimais bien ça mais, tout de même, quelle monotonie !

Quand nous recevions du monde (peut-être deux fois par an), ma mère faisait toujours la même chose. En entrée, nous avions une espèce de tarte au raisin et au fromage, suivi d’une pintade au cidre ! C’était très bon mais j’avais une hantise des grands repas à cause de leur monotonie, y compris dans l’organisation… Ma mère passait du « ah mais qu’est-ce que je pourrais faire ? » au « ah ben une tarte aux raisons, tout le monde aime ça, mais après » à « tiens ! Et si je faisais une pintade au cidre ». Ca durait plusieurs jours.

J’adorais (et je continue, d’ailleurs) les ris de veau ! Mais ma mère avait toujours la même recette (celle de François Bernard). J’ai commencé à le lui reprocher (et à haïr cette préparation) bien après, quand j’ai eu l’âge (et les moyens) d’en manger au restaurant. En écrivant cela, je me rends compte que c’était pareil pour les rognons : toujours la même recette, une fois avec du Madère, l’autre avec du Porto.

 


L’heure est venue de passer aux mauvais souvenirs… En préalable, je dois préciser que j’étais un gamin assez difficile (j’ai connu pire). Je suis en partie guéri (mais vous ne me ferez pas manger de tomates, d’huitres crues ou de l’ananas). Ma mère me préparait toujours des menus alternatifs, je ne suis pas trop à plaindre… Mais quand les autres mangeaient de tomates en entrée, j’avais souvent le droit uniquement à des carottes râpées (grossièrement mixées aurait d’ailleurs été un terme plus efficace vu qu’elle utilisait toujours le même robot mixeur).

Par ailleurs, je me suis toujours demandé si c’était moi qui étais tordu ou si c’était ma mère qui ne savait pas faire la vinaigrette (cela explique en partie pourquoi je mange peu de salade). Toujours est-il que j’avais des plats en horreur à cause de la sauce, notamment des préparations de restes (il m’arrivait de finir les légumes, comme les haricots verts, pour ne pas en retrouver dans des salades en entrée, le lendemain).

J’adorais les asperges mais la moitié du temps, elle les proposait avec sa vinaigrette, l’horreur ! D’autant que les asperges fraiches sont souvent très filandreuses, au point que les assiettes sont pleines de rester à la fin du repas. Maintenant, quand je mange des asperges, elles sont toujours en bocal et je mets de la mayonnaise…

Ces restes m’amènent aux artichauds (ne citez pas Coluche, merci, les citations les meilleurs doivent être rares), souvent servies, d’ailleurs, avec une vinaigrette. C’est peut-être le pire souvenir que j’ai d’autant que ma mère adorait ça. C’est très chiant à bouffer, ça n’est pas nourrissant et, sans être mauvais pour autant, ça n’est pas vraiment bon.

Enfin, par tradition, tous les vendredis midi nous avions du poisson à manger. J’adorais ça mais, parfois, les repas devenaient un enfer ! Vous avez déjà mangé du congre plein d’arrêtes ? Et les darnes de thon qui nagent dans l’huile ?


 

Je vais terminer ce billet sans trop évoquer les desserts. Il y avait des choses que je n’appréciais pas trop, comme les pommes cuites ou les pommes douillon mais aussi des plats gravés dans ma mémoire. Il y a bien sûr le riz-au-lait de Paimpol (dont j’ai déjà parlé dans le blog). Mais je ne sais pas pourquoi, mon meilleur souvenir est le gâteau de semoule aux raisins secs de ma grand-mère.

Ca fait sans doute près de quarante ans que je n’en ai pas mangé. C’est bien triste. Mais ma grand-mère aurai 123 ans…

4 commentaires:

  1. Vous parlez de "nectars" à propos de plats. Non : le nectar est toujours une boisson.

    Pour un plat délicieux, si vous tenez au vocabulaire mythologique, il faut parler d'ambroisie...

    Sinon, je partage votre peu d'enthousiasme pour les artichauts...

    DG

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    1. Quand je parle de nectar à propos de boissons, ça me donne soif. Un dimanche midi, c'est dangereux.

      Sommes-nous donc artichauphobes ?

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    2. https://m.youtube.com/watch?v=FWz0K4-jE94
      Hélène

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  2. Tu me donnes faim, c'est dingue ! Sincèrement.

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