24 mai 2025

Une carte pour des souvenirs

 


En trainant dans Facebook, je suis tombé sur le plan des derniers kilomètres de la dernière étape du Tour de France, celle qui se termine généralement sur les Champs-Elysées. J’ai commencé à la regarder pour savoir à quoi nous allons être mangés. Comme beaucoup de Français, je passe des heures, tous les mois de juillet, devant mon poste pour voir ces pauvres gars pédaler, me prêtant un peu au jeu, soutenant, depuis mon fauteuil, des gugusses que j’aime bien ou des champions que j’admire.

La dernière étape est souvent très chiante, avec tous ces tours des Champs. Elle finit généralement au sprint et on s’emmerde jusqu’à dernière descente avant d’espérer un final en beauté, si possible autrement qu’avec un sprint massif. Cette année, la monotonie est rompue par un détour vers Montmartre, avant le dernier tour des Champs.

Je n’ai absolument pas les compétences pour juger cela à un niveau sportif. Je me dis qu’on aura peut-être des échappées et que le suspens, y compris pour le maillot jaune final pourrait durer jusqu’au bout. Et surtout que ça sera moins chiant que d’habitude.

 


La semaine dernière, Miranda est morte. C’était l’épouse de « Marcel le fiacre », grand copain « du vieux Jacques », tous deux anciens éminents personnages de mon blog. Miranda avait notamment organisé les obsèques du vieux, sachant que le fiacre était mort quelques années avant. Un tas de souvenir de cette époque, où ils faisaient les 400 coups et où nous nous retrouvions très souvent à la Comète pour raconter des souvenirs.

Parmi eux, il y a celui de cette dernière étape du Tour quand le peloton était passé devant la Comète (l’année de l’inauguration du siège du Crédit Lyonnais qui se trouve un peu plus haut). Nous avions mangé à la Comète et attendu le passage. Fatalement, nous étions un peu chauds et mes deux vieux étaient franchement pompettes. La « nationale » était en travaux et j’avais aidé le fiacre à traverser la moitié la plus proche, la course passant sur la seconde. Il nous avait fallu enjamber des barrières et plot de sécurité.

En fait, on n’avait pas vu grand-chose de la course (les coureurs passent trop vite) et j’avais passé une partie de mon temps à prendre des photos avec l’iPhone (ce qui est complètement con, on ne les regarde jamais ; depuis, j’ai arrêté de photographier tous les événements auxquels j’assiste, me contenant de quelques clichés alors que, maintenant, à chaque fois qu’il se passe quelque chose, on voit des milliers de types avec leurs smartphones. Ils sont ridicules.

On avait bien rigolé et Marcel était content (il faisait beaucoup de vélo… Je vais essayer de retrouver des photos, il faut bien que celles que j’ai prises savent à quelque chose).

 

Miranda est la quatrième personne, sur cinq, dont j’ai appris la mort, en trois semaines, toutes ayant un rapport avec la Comète, même Didier Goux qui y est déjà venu. Je voulais faire un billet pour dire à quel point il me manque mais ça aurait été difficile à expliquer. Je pense à lui en rédigeant mes billets de blog, cherchant à deviner ce qu’il en aurait pensé et les critiques qu’il aurait pu faire, voir les reproches si cela concernait mon piètre maniement de la langue. Cette fois, je l’imaginais se dire : « mais il nous fait chier avec ses souvenirs », tout en sachant qu’il aimait bien ma manière de rédiger ce qu’il appelait « des billets de rien ». Nous échangions beaucoup par SMS, souvent à propos de séries télévisées ou de films, mais aussi pour se signaler des tweets, des articles… qui montraient les délires de notre société. Nous étions politiquement opposés, il était un grand lettré alors que moi, heu… Il m’avait tout de même fait prendre conscience des dérives de l’utilisation de la langue et nous étions d’accord avec tous les délires « modernistes » de nos camarades, souvent de gauche. Avant de le connaitre, d’ailleurs, je n’osais pas en parler dans le blog avant de le connaitre.

A propos de tout cela mais aussi bien sûr de l’amour des blogs, nous étions très proches, sans doute réactionnaires, et devenus amis.

Par contre, nous n’échangions jamais par SMS sur des choses personnelles, comme la santé, et je dois avouer que je suis tombé sur le cul quand j’ai appris, par Catherine, que la fin était proche.

 

Catherine était bien sûr son épouse et nous continuons à échanger sur plein de trucs. Catherine était aussi le prénom de mon grand copain de bistro, « le vieux Joël ». Nous passions toutes les soirées ensemble, allant de l’Aéro à la Comète, en passant par l’Amandine où nous nous égarions dans les mots fléchés de France Soir. J’avais horreur quand le vieux Jacques les terminait avant nous, comme si nous avions des droits particuliers sur le journal du bistro, comme s’il nous privait d’un moment de plaisir rituel… Je l’avais engueulé. Il était très fort en morts croisés mais avait la manie de remplir toutes les grilles passant sous son nez alors que je n’ai jamais fait les mots croisés d’un journal de bistro quand ils étaient très faciles pour moi, préférant les laisser à des gens qui y passeraient plus de plaisir.

Finalement, j’avais converti le vieux Jacques au sudoku et il avait fini par délaissé les mots croisés.

Sauf à une époque, Jean, le patron de la Comète, me demandait de remplir les grilles en prenant mon café du matin pour emmerder un de ses clients qui passait trop de temps sur le journal à midi. On est cons, des fois…

 

En regardant la carte de l’étape du tour de France, j’ai vu qu’il y avait une artère qui s’appelait « quai Jacques Chirac ». Je pense qu’elle avait été inaugurée lorsque j’étais malade et que j’avais complètement zappé l’information. J’ai passé du temps à vérifier cela puis, de fil, en aiguille, je me suis intéressé à l’histoire du Quai Branly…

Surtout, cette carte est sur un coin de Paris, du 8ème arrondissement, que je connaissais bien. Le premier cabinet de conseil pour lequel j’ai bossé, en 1987, avait son siège rue Marbeuf, et le premier client chez qui j’ai fait une véritable longue mission, de 1996 à 2003, était rue de Berry. C’est justement vers cette époque j’ai commencé à fréquenter les bistros de Bicêtre et donc à fréquenter les lascars dont je parlais.

Comme c’est près des Champs Elysées, de l’Etoile, de l’Avenue Georges V, du faubourg Saint Honoré, avec des habitants très riches, les gens ont une vision faussée de ces coins. Ce sont, en fait, des petits villages, avec une vraie vie ! Mais même quand on parle de quartier, à Paris, les gens se trompent. Ils ont une image, peut-être en rapport avec ce que l’on voit dans « Emilie à Paris ». Ils s’imaginent des bistros qui sont de vrais restaurant et où il faut lâcher cinquante balle pour en entrée plat dessert, ils pensent que les fromages et « marchands de primeurs » sont fréquentés par « les vrais gens du peuple »…

Or, les villageois s’en foutent un peu. Ils vont chez le fromager parce qu’il n’y a pas de supermarché dans le coin et se retrouvent comme tout le monde, au comptoir des bistros, à raconter des conneries avec les copains.

Ce qu’il y avait d’amusant, tout de même, c’est de rencontrer des gens plus ou moins connus. Par exemple, un petit neveu de Mitterrand fréquentait le même bistro que moi. Henri Lecomte habitait dans le quartier et faisait ses courses chez l’épicier arabe en face. Micheline Dax passait parfois. Il parait qu’elle venait quelques fois avec ses copines actrices, toutes connues. Le personnel du Taillevent venait boire des cafés avec nous, pendant le service…

 

C’est fou ce qu’une simple carte peut faire remonter comme souvenirs…

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