Presque tout le monde a entendu parler du « droit à la
déconnexion », ce principe selon lequel on ne peut pas obliger les gens à
se foutre au boulot pendant les heures de loisir, mais beaucoup de monde oublie
les règles de bon sens qui vont avec. Et ça m’énerve ! Hier, j’ai envoyé
chier un collègue qui m’a envoyé un SMS sur mon téléphone perso alors qu’il n’y
avait aucune urgence et surtout pas la moindre utilité.
Je vous raconte ça pour commencer ce billet, je suis sûr que
ça vous fait plaisir. Nous échangeons souvent nos numéros de téléphone
personnels car il arrive assez souvent que nous ayons des problèmes de
connexion en télétravail. On s’envoie alors des SMS… On le fait aussi quand on
n’a pas la possibilité d’utiliser un ordinateur (par exemple, si on a
rendez-vous chez un client, on va échanger des SMS pour se retrouver avant d’aller
voir les gens).
Hier matin, mon collègue n’arrivait à démarrer son
ordinateur. Il m’a prévenu par SMS car il allait être absent d’une réunion.
Nous en avons profité pour échanger au sujet de sa panne, que je puisse essayer
de l’aider. Finalement, les services de hotline ont réussi à le décoincer et
nous avons continué notre conversation par Teams. Je ne sais pas ce qui lui ai
passé par le crane à 20h30 mais il s’est rendu comte qu’il n’avait pas répondu par
SMS au dernier que je lui avais envoyé. Ca m’a mis hors de moi, disais-je. Déjà
qu’on reçoit plein de SMS de publicité ou de spam ce qui est franchement casse.
C’était pour l’anecdote.
La règle première du droit à la déconnexion est de ne jamais
contacter une relation professionnelle pour des raisons en relation avec le
boulot à l’aide d’un moyen personnel en dehors de ses heures de travail.
La seule exception possible est quand cela peut arrange le
destinataire d’être contacter en urgence. Par exemple, si ma cheffe a un
impératif subi et ne peut pas être à la réunion à 9 heures, le lendemain, me
prévenir par SMS à 23 heures m’évitera de devoir prendre les transports en
commun à 7 heures…
Vous pouvez le tourner dans tous les sens, il n’y a pas d’autres
types d’exception que contacter quelqu’un pour lui rendre un service urgent. Chaque
autre type d’exception laisserait entendre que l’on peut être sollicité en
urgence à toute heure.
Nous parlions donc des contacts par des moyens personnels en
dehors des heures de service pour des raisons professionnelles !
Evidemment, vous pouvez souhaiter la bonne année ou féliciter pour la naissance
du petit dernier mais préférez donc vous abstenir…
Ainsi, j’ai une relation professionnelle (un collège d’un autre
service mais qui est aussi un client) qui a l’habitude de souhaiter les
anniversaires et les fêtes par mail personnel. C’est bien aimable de sa part
mais c’est une faute de goût : il intervient dans ma vie privée. Mais je
suis hors sujet.
Par contre, il y a beaucoup de monde qui prennent le droit à
la déconnexion sous le seul volet d’un règlement intérieur élaboré par des RH
ou des représentants du personnel qui feraient mieux de s’occuper de leurs
fesses. Par exemple, dans ma boite, on n’avait pas le droit d’envoyer des mails
en dehors de la plage horaire « 8h30 – 20h » pendant les jours
ouvrés.
C’est confondre mon droit à me déconnecter (et son pendant :
l’interdiction de me contacter en urgence pendant mes heures de repos) avec mon
droit inscrit dans mon contrat de travail de choisir librement une partie de
mes heures de travail. C’est donner une mauvaise réponse à un vrai problème
comme des chefs qui donneraient trop de travail à des subalternes (ou à des
fournisseurs…) les obligeant à accomplir des tâches à des heures inadaptées.
Genre, à 18 heures : « tu penseras à faire la présentation Powerpoint
pour la réunion de demain ? »
Il n’y a pas besoin d’avoir la messagerie ouverte pour faire
le boulot… On peut le faire sans être connecté. Donner des instructions sur l’utilisation
de la messagerie est botter en touche pour un problème qui frise le
harcèlement.
Par contre, j’ai une collègue qui bosse de 7h à 15h30 parce
que son travail lui impose une présence sur site, que ces horaires ne sont pas du
tout pénalisants pour son travail et qu’ils lui permettent de ne pas prendre
les transports en commun aux heures de pointe. Je ne vois pas pourquoi elle ne
pourrait pas envoyer des mails dès sept heures. En l’occurrence, je ne vois pas
pourquoi je ne lui enverrai pas des mails à sept heures compte tenu de mes propres
souhaits (faire beaucoup d’heures quand je ne suis pas en télétravail pour
gagner du temps, voire faire une large pause le midi quand je suis à côté de
mes bistros de quartiers tout en étant à mon poste aux horaires contractuels).
Par ailleurs, j’aime bien lire mes mails au fil de l’eau et
surtout tout lire, le matin, avant d’organiser ma journée de travail. Je ne
vois pas pourquoi dans mon fameux droit à la déconnexion je n’aurais pas aussi
le droit à me connecter quand je veux, y compris à quatre heures du matin si je
fais une insomnie ?
Et en poursuivant mon raisonnement, je ne vois pas pourquoi
je n’enverrai pas un mail à quatre heures si j’ai décidé de travailler à ce
moment-là.
Il ne faut donc pas surinterpréter ce droit à la déconnexion.
Il faut le prendre « à la lettre » : avoir le droit de ne pas se
connecter en dehors de la plage horaire de présence obligatoire du règlement
intérieur (genre 9h30 – 12h, 14h – 16h30) dans le cadre de votre contrat de
travail (congés payés, temps de travail de 39 heures par semaine, par exemple).
Et, si on a le droit de se déconnecter à ces horaires, on a aussi
le droit de se connecter mais aussi celui de ne pas traiter immédiatement.
Par exemple, je prends souvent des demi-journées de congés
pour aller en Bretagne ou à l’hôpital. Lire et traiter des mails professionnels
est une de mes occupations quand je suis dans le train ou dans une salle d’attente.
Mes collègues le savent et n’hésitent pas à me solliciter pour des points relativement
urgents mais ils savent aussi que j’ai le droit de ne pas répondre…
Il faut bien analyser ces nuances…
Mais je me répète : il ne faut pas confondre le droit à
la déconnexion à la lutte contre le harcèlement.
Ainsi, quand j’envoie des mails, notamment à des « subordonnés »
ou à des fournisseurs, en dehors des « horaires logiques », je prends
bien soin de ne pas faire de demande nécessitant une réponse urgente qui
nécessiterait un travail en dehors des « horaires logiques » voire
nécessiterait une charge qui est loin d’être planifiée.
Ca serait du harcèlement car il est possible que la personne
contactée se sente obligée de répondre rapidement pour une raison ou une autre.
Donc, j’évite d’envoyer des mails à des heures louches parce que la personne « au
bout » pourrait se sentir harcelée même si mon intention n’est que de rédiger
un mail au moment où j’y pense sauf en ajoutant une précision du genre « j’ai
pensé à ça en me levant pour pisser donc je t’envoie un mail maintenant car le fait
d’avoir peur d’oublier m’empêcherait de me rendormir mais il n’y a pas d’urgence »…
Tout cela semble évident quand le problème est bien posé.
Mais beaucoup de salariés sont un peu perdus ou, au contraire, revendicatifs.
N.B. : Il existe des solutions techniques pour
contourner certains problèmes, comme l’envoi différé de mails, mais je préfère
former les gens à ce qu’est le droit à la déconnexion : ne pas être obligé
de lire ses mails en dehors des horaires adaptés. Par ailleurs, on minimise beaucoup le symptôme du harcèlement et l'aggravation de la pénibilité du travail, réelle, qu'il implique. On peut toujours dire que maçon est un métier pénible, je ne sais si ce n'est pas pire de devoir souvent veiller après avoir couché les gamins pour rendre des rapports débiles pour faire plaisir au chef.
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