14 mai 2025

Le droit à la déconnexion


 

Presque tout le monde a entendu parler du « droit à la déconnexion », ce principe selon lequel on ne peut pas obliger les gens à se foutre au boulot pendant les heures de loisir, mais beaucoup de monde oublie les règles de bon sens qui vont avec. Et ça m’énerve ! Hier, j’ai envoyé chier un collègue qui m’a envoyé un SMS sur mon téléphone perso alors qu’il n’y avait aucune urgence et surtout pas la moindre utilité.

Je vous raconte ça pour commencer ce billet, je suis sûr que ça vous fait plaisir. Nous échangeons souvent nos numéros de téléphone personnels car il arrive assez souvent que nous ayons des problèmes de connexion en télétravail. On s’envoie alors des SMS… On le fait aussi quand on n’a pas la possibilité d’utiliser un ordinateur (par exemple, si on a rendez-vous chez un client, on va échanger des SMS pour se retrouver avant d’aller voir les gens).

Hier matin, mon collègue n’arrivait à démarrer son ordinateur. Il m’a prévenu par SMS car il allait être absent d’une réunion. Nous en avons profité pour échanger au sujet de sa panne, que je puisse essayer de l’aider. Finalement, les services de hotline ont réussi à le décoincer et nous avons continué notre conversation par Teams. Je ne sais pas ce qui lui ai passé par le crane à 20h30 mais il s’est rendu comte qu’il n’avait pas répondu par SMS au dernier que je lui avais envoyé. Ca m’a mis hors de moi, disais-je. Déjà qu’on reçoit plein de SMS de publicité ou de spam ce qui est franchement casse.

C’était pour l’anecdote.

 


La règle première du droit à la déconnexion est de ne jamais contacter une relation professionnelle pour des raisons en relation avec le boulot à l’aide d’un moyen personnel en dehors de ses heures de travail.

La seule exception possible est quand cela peut arrange le destinataire d’être contacter en urgence. Par exemple, si ma cheffe a un impératif subi et ne peut pas être à la réunion à 9 heures, le lendemain, me prévenir par SMS à 23 heures m’évitera de devoir prendre les transports en commun à 7 heures…

Vous pouvez le tourner dans tous les sens, il n’y a pas d’autres types d’exception que contacter quelqu’un pour lui rendre un service urgent. Chaque autre type d’exception laisserait entendre que l’on peut être sollicité en urgence à toute heure.

Nous parlions donc des contacts par des moyens personnels en dehors des heures de service pour des raisons professionnelles ! Evidemment, vous pouvez souhaiter la bonne année ou féliciter pour la naissance du petit dernier mais préférez donc vous abstenir…

 

Ainsi, j’ai une relation professionnelle (un collège d’un autre service mais qui est aussi un client) qui a l’habitude de souhaiter les anniversaires et les fêtes par mail personnel. C’est bien aimable de sa part mais c’est une faute de goût : il intervient dans ma vie privée. Mais je suis hors sujet.

 


Par contre, il y a beaucoup de monde qui prennent le droit à la déconnexion sous le seul volet d’un règlement intérieur élaboré par des RH ou des représentants du personnel qui feraient mieux de s’occuper de leurs fesses. Par exemple, dans ma boite, on n’avait pas le droit d’envoyer des mails en dehors de la plage horaire « 8h30 – 20h » pendant les jours ouvrés.

C’est confondre mon droit à me déconnecter (et son pendant : l’interdiction de me contacter en urgence pendant mes heures de repos) avec mon droit inscrit dans mon contrat de travail de choisir librement une partie de mes heures de travail. C’est donner une mauvaise réponse à un vrai problème comme des chefs qui donneraient trop de travail à des subalternes (ou à des fournisseurs…) les obligeant à accomplir des tâches à des heures inadaptées. Genre, à 18 heures : « tu penseras à faire la présentation Powerpoint pour la réunion de demain ? »

Il n’y a pas besoin d’avoir la messagerie ouverte pour faire le boulot… On peut le faire sans être connecté. Donner des instructions sur l’utilisation de la messagerie est botter en touche pour un problème qui frise le harcèlement.

 

Par contre, j’ai une collègue qui bosse de 7h à 15h30 parce que son travail lui impose une présence sur site, que ces horaires ne sont pas du tout pénalisants pour son travail et qu’ils lui permettent de ne pas prendre les transports en commun aux heures de pointe. Je ne vois pas pourquoi elle ne pourrait pas envoyer des mails dès sept heures. En l’occurrence, je ne vois pas pourquoi je ne lui enverrai pas des mails à sept heures compte tenu de mes propres souhaits (faire beaucoup d’heures quand je ne suis pas en télétravail pour gagner du temps, voire faire une large pause le midi quand je suis à côté de mes bistros de quartiers tout en étant à mon poste aux horaires contractuels).

Par ailleurs, j’aime bien lire mes mails au fil de l’eau et surtout tout lire, le matin, avant d’organiser ma journée de travail. Je ne vois pas pourquoi dans mon fameux droit à la déconnexion je n’aurais pas aussi le droit à me connecter quand je veux, y compris à quatre heures du matin si je fais une insomnie ?

Et en poursuivant mon raisonnement, je ne vois pas pourquoi je n’enverrai pas un mail à quatre heures si j’ai décidé de travailler à ce moment-là.

 

Il ne faut donc pas surinterpréter ce droit à la déconnexion. Il faut le prendre « à la lettre » : avoir le droit de ne pas se connecter en dehors de la plage horaire de présence obligatoire du règlement intérieur (genre 9h30 – 12h, 14h – 16h30) dans le cadre de votre contrat de travail (congés payés, temps de travail de 39 heures par semaine, par exemple).

Et, si on a le droit de se déconnecter à ces horaires, on a aussi le droit de se connecter mais aussi celui de ne pas traiter immédiatement.

Par exemple, je prends souvent des demi-journées de congés pour aller en Bretagne ou à l’hôpital. Lire et traiter des mails professionnels est une de mes occupations quand je suis dans le train ou dans une salle d’attente. Mes collègues le savent et n’hésitent pas à me solliciter pour des points relativement urgents mais ils savent aussi que j’ai le droit de ne pas répondre…

Il faut bien analyser ces nuances…

 

Mais je me répète : il ne faut pas confondre le droit à la déconnexion à la lutte contre le harcèlement.

Ainsi, quand j’envoie des mails, notamment à des « subordonnés » ou à des fournisseurs, en dehors des « horaires logiques », je prends bien soin de ne pas faire de demande nécessitant une réponse urgente qui nécessiterait un travail en dehors des « horaires logiques » voire nécessiterait une charge qui est loin d’être planifiée.

Ca serait du harcèlement car il est possible que la personne contactée se sente obligée de répondre rapidement pour une raison ou une autre. Donc, j’évite d’envoyer des mails à des heures louches parce que la personne « au bout » pourrait se sentir harcelée même si mon intention n’est que de rédiger un mail au moment où j’y pense sauf en ajoutant une précision du genre « j’ai pensé à ça en me levant pour pisser donc je t’envoie un mail maintenant car le fait d’avoir peur d’oublier m’empêcherait de me rendormir mais il n’y a pas d’urgence »…

 


Tout cela semble évident quand le problème est bien posé. Mais beaucoup de salariés sont un peu perdus ou, au contraire, revendicatifs.

 

N.B. : Il existe des solutions techniques pour contourner certains problèmes, comme l’envoi différé de mails, mais je préfère former les gens à ce qu’est le droit à la déconnexion : ne pas être obligé de lire ses mails en dehors des horaires adaptés. Par ailleurs, on minimise beaucoup le symptôme du harcèlement et l'aggravation de la pénibilité du travail, réelle, qu'il implique. On peut toujours dire que maçon est un métier pénible, je ne sais si ce n'est pas pire de devoir souvent veiller après avoir couché les gamins pour rendre des rapports débiles pour faire plaisir au chef. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

La modération des commentaires est activée. Soyez patients !