A l’heure où j’écris ces lignes Henri aura été enterré, dix
jours après sa mort. La levée du corps devait avoir lieu à 8h30, ce matin, à l’Hôpital
Paul Brousse de Villejuif et l’enterrement devait avoir lieu dans la foulée, au
cimetière des Pommiers, juste à côté.
Odette a été incapable de m’en dire plus.
Mardi, la semaine dernière, elle avait réussi à obtenir un
rendez-vous avec l’employée de la Mairie en charge de ce type de dossiers, l’enterrement
des gens n’ayant pas les moyens de payer des obsèques. D’après Odette, elle
était en congés la semaine dernière et n’a donc pas pu la voir avant son
retour, avant-hier.
10 jours…
Je suppose que Marcel et Patrice assisteront à la cérémonie.
Si on peut appeler ça une cérémonie. Je ne sais même pas si quelqu’un fera un vague
semblant de discours.
Mathieu, le patron de la Comète, sera peut-être là.
Pendant ces 10 jours, je n’ai pas réussi à faire bouger
Odette pour accomplir les premières démarches administratives malgré l’aide d’Apolline que je tiens une
nouvelle fois à remercier. Odette est d’origine Portugaise et, si j’ai bien
compris, dans leurs traditions, on ne peut pas faire ces démarches avant les
obsèques.
Pourtant, 10 jours, c’est le délai maximum pour déclarer la
mort et obtenir le capital décès.
Je suppose qu’Odette est très mal conseillée. Les Portugais
forment une communauté très forte dans ce quartier et un réflexe
communautariste, je suppose, les poussent à se débrouiller entre eux, sans
vraiment faire confiance aux « français de souche » (les guillemets
sont de rigueur, Odette était peut-être en France avant ma naissance).
Elle aura perdu un capital décès qui lui aurait fait une
grosse bouffée d’oxygène. J’ai tout fait pour l’aider, pour elle, mais, au
fond, je dois reconnaître que je ne considère pas ce pognon comme un du, Henri
ayant passé une partie de sa vie à vivre de brocante et de ferraille sans jamais
rien déclarer…
Dès ce soir, je vais refaire un point avec elle, pour essayer
de réparer les dégâts, qu’elle se mette bien en règle, fasse les papiers
nécessaires, soit reconnue comme « concubine notoire » (je ne sais
plus quel est le terme) et tout ça.
La famille d’Henri, sa femme (il était toujours marié bien
qu’étant avec Odette depuis la nuit des temps), sa fille et son fils, si j’ai
bien compris, qu’il ne voyait qu’occasionnellement (et non plus du tout comme
je le croyais) n’a pas donné signe de vie. Odette les a appelés le jour de la
mort puis lundi, quand elle a eu des précisions pour l’enterrement.
Rien. Aucune nouvelle, aucune instruction, sans doute pas de
fleur.
Tiens ! Je n’ai même pas pensé aux fleurs. Généralement,
quand il y a un décès dans une de mes bandes, les copains comptent sur moi
mais, avec la mort de Jean-Louis, cet été, j’en ai eu marre. Je ne suis pas un
gentil organisateur.
Juste un type qui boit un coup avec Odette quatre ou cinq
fois par semaine, depuis deux ans qu’Henri était à l’hôpital.
Je suppose qu’elle va garder ses habitudes.