29 novembre 2012

Le métier de l'autre

C’est souvent que, le soir, Tonnégrande me parle de son boulot. Du fait d’une activité associative passée, je connais bien son domaine. Quand je l’ai connu, nous avions des positions hiérarchiques similaires (depuis, il est passé directeur et je ne sais même plus s’il a payé une tournée). De fait, nous pouvions parler de nos problèmes de cadres dans des boites, lui plus que moi. Je fais assez bien l’étanchéité entre ma vie professionnelle et ma vie privée. D’ailleurs je dis ici assez souvent que les collègues qui parlent de leurs gamins ou de leurs vacances m’énervent prodigieusement : je m’en fous. De fait, dans ma vie privée, je ne parle jamais non plus de mon boulot. Par contre, le gros noir parle assez facilement de son boulot quand il est au bistro et seulement à moi, vu que je suis le seul à comprendre à quoi consiste son boulot.

En outre, dans le temps, il faisait des astreintes. Donc à chaque fois qu’il recevait un appel, il m’expliquait pourquoi c’était. Un animateur de permanence qui explique qu’un gamin dont ils ont la charge a été arrêté par les flics ou ce genre d’amusement… Donc je sais à peu près ce qu’il fait.

Le vieux Joël était intermittent du spectacle. Artificier. Il bossait donc de nuit soit à l’extérieur soit dans des salles de spectacle, des châteaux,… On voit souvent des feux d’artifice et on trouve ça joli (ou pas) mais on ne pense pas aux hommes qui sont derrière. Personne ne sait ce qu’est un métier d’artificier. Il ne s’agit pas d’allumer des mèches et d’attendre que ça pète. Il faut installer les machins, synchroniser le tout avec la musique patati patata. Ayant discuté plusieurs fois avec lui, notamment quand il bossait encore, je sais « un peu » ce qu’était son job, mais, dans le fond…

Il y en a un autre qui s’occupe du contrôle aérien pour les avions en maintenance. On ne sait pas trop ce que ça veut dire. Il est chargé, par une compagnie aérienne, d’organiser les vols en fonction des opérations de maintenance qu’ont à faire les appareils tout en suivant ceux qui ont des problèmes en vol. Ou un truc comme ça. Il n’est pas surchargé de boulot mais il faut effectivement des équipes qui glandent en attendant que les avions tombent en panne dans le ciel pour leur dire ce qu’il faut faire et où ils peuvent atterrir en urgence.

Il y a de ces métiers.

Dans la bande, on a aussi un postier. Il fait le tri, la nuit, dans un de ces grands nouveaux centres de tri banlieue parisienne. Au moins, on sait ce qu’il fait. On peut le dire : il trie du courrier. Par contre, dans le fond, on ne sait pas ce que ça veut dire de trier du courrier. Les postiers ne sont plus devant des casiers à trier les lettres mais à alimenter et à surveiller des machines.

Pas facile le métier des autres…

Mardi, c’était moi qui voulais raconter une anecdote de bureau à Tonnégrande. Il fallait que je lui parle d’un vieux projet que j’avais géré pour lui dire comment il était revenu à la surface. Mais il ne comprenait pas cette notion de projet, utilisé dans notre jargon professionnel. Alors il a posé la question qui tue : « Mais au fait, c’est quoi ton boulot ? »

Il sait que je suis un expert dans un secteur qui touche à l’informatique (je vous mets sur la piste : voir l’illustration) mais ne sais pas du tout en quoi consiste mon boulot.

C’est a priori délirant vu que nous passons au minimum une demi-heure ensemble à peu près tous les soirs, environ 40 semaines par an, le tout depuis 8 ou 10 ans. Et je me suis rendu compte que n’ayant eu décrire mon boulot qu’aucun de mes proches ne savait ce que je faisais et, surtout que j’étais incapable de l’expliquer et que tout le monde s’en fout.

« Il est postier », « il bosse pour une compagnie aérienne », « il faisait des feux d’artifice. » Ca suffit comme description pour s’imaginer qu’on connaît un autre…

33 commentaires:

  1. article captivant ! bravo ! ça change des gueguerre des blogueurs :p

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    1. On voit bien le côté captivant, voire vaguement inquiétant, pour le garçon ci-dessus : ça parle de boulot, de métier, de gens qui se lèvent le matin même quand ils ont picolé la veille, etc. : limite fout-la-trouille, je suppose.

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  2. Woup fan de chichoune le métier ! Moi, mon métier (et non-pas mon emploi !), c'était d'accroitre la beauté du monde (par le théâtre) ! [C'était !]

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  3. Je l'ai fait pendant 5 ans ce boulot de "contrôleur aérien "pour la maintenance des avions (ça s'appelle la régulation). C'est effectivement un boulot de veille avec des moments où l'on fait pas mal de progrès au scrabble et d'autres où les nerfs sont mis à rude épreuve (pannes à l'étranger avec envois de mécanos et rapatriement de passagers). C'était 24/24 avec des vacations de 12 heures
    Usant, mais prenant.

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    1. Je comprends ! Merci pour les précisions.

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    2. Tiens ! vous avez même des types qui travaillent, parmi vos commentateurs ! Amazing !

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  4. Pour un retraité, c'est encore plus difficile à expliquer...

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    1. Le jardin. Les voyage. La cuisine. Le blog.

      Tiens ! Vous trainez ici, vous ?

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  5. J'ai enquillé les boulots de merde dans lesquels j'étais au mieux un larbin, où au pire une victime, en conséquence de quoi je ne m'étalerais pas.
    Ceci dit, selon ton image, tu bosses donc dans le pognon. Donc je prends.

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    1. Non. Dans les distributeurs.

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    2. Oui je sais, je rigolais, tu l'avais expliqué dans un de tes autres blogs où tu revenais sur ta carrière.
      Bon. je prends quand même.

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  6. Je suppose qu'il ne faut rien dire à ta mère, elle te croit pianiste dans un bordel ?

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    1. Non. Elle lit mon blog. Elle sait donc ce que je fais.

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  7. *** Coucou Nico !!!!

    "le métier de l'autre" ... parfois il peut s'avérer valorisant et parfois non. Certaines personnes jugent rapidement une personne à l'emploi qu'elle occupe. C'est bien dommage.
    L'essentiel n'est-il pas de travailler, de travailler pour assumer son quotidien, etc... tout simplement pour pouvoir être indépendant financièrement.
    Alors moi, le métier de l'autre je crois qu'il m'importe peu. L'essentiel pour moi c'est de connaitre cette personne et d'apprécier ou non les moments passés avec elle.
    ça ne m'étonne donc pas que vous puissiez vous côtoyer très régulièrement et depuis pas mal de temps déjà sans même connaitre vos activités respectives... tout simplement parce que c'est ce que vous partagez quand vous vous voyez qui compte et pas le métier que vous exercez.

    Merci pour ce billet Nico, qui est très intéressant.
    Bises et bonne fin de semaine !!! :o) ***

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    1. Le métier de l'autre importe peu mais ce qui m'étonne c'est qu'on ne connaisse pas le boulot de ses proches. Tu prends Patrice, pas le mien, celui qui est postier, mais le tien. Je ne sais absolument pas ce qu'il fait. Je sais qu'il est militaire mais ça englobe tellement de corps de métiers que ça ne veut rien dire.

      Patrice, le tien, et moi nous ne sommes pas proches donc ce qu'il fait ne me regarde pas mais aussi bien nous avons le même job !

      C'est ça qui est étrange...

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  8. Faut dire que quand on bosse dans un domaine précis de la monétique ce n'est pas ce qu'il y a de plus facile à expliquer. Ma mère pense que je bosse dans l'informatique c'est pourtant bien loin de ce que je fait en réalité.

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  9. dire que ça fait des années que je pensais que tu était patron de Bar clandestin , et que les illustrations avec des DAB c'était pour illustrer les braquages que tu effectuais pour la Mafia du Kremlin bicêtre...

    on s'imagine de ces trucs parfois

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    1. C'est con, hein ! Tiens ! J'ai parlé de toi dans un autre blog, je crois bien... Aujourd'hui ou hier.

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  10. Y'a au moins quelques boulots qui parlent à tout le monde (même si on se fait sans doute des idées): pute, flic, instit, avocat, dealer, nourrice, boulanger.... je parie que tu connais personne de ces engeances-là :)

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    1. Je connais y. Peu et ça parle. Et le boulanger qui doit régler son frigo à 22h pour pouvoir fraude du bon pain à 5h, tu connais ? Personne ne connait ou alors par bribes..

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    2. Oui je connais. C'était la fille de nos voisins boulangers qui venait garder mes filles quand elles étaient petites et elle racontait la vie de ses parents. J'aime bien écouter raconter les métiers...

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  11. Moi je parle jamais trop de mon boulot non plus. En même temps, qui ça intéresse?
    Mais le tien, bein je savais ce que c'était ... tu me l'a dit lors de notre première rencontre et, ça me parle.

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    1. Ca m'intéresse de savoir ce que font les autres...

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  12. Beau billet !
    Je m'intéresse souvent au pourquoi du comment les gens en sont arrivés à faire ce qu'ils font. Je n'ai toujours pas compris les subtilités de ton boulot, mais j'ai adoré lire comment tu as commencé et progressé ...

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    1. Merci. Depuis ce billet, j'essaie de faire un billet qui explique ce que je fais.

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